Avec Mohamed Dubois, Eric Judor montre une autre facette de son talent, plus romantique, moins dingue. Il n'est pas que le délirant comique qui officie avec Ramzy Bedia. C'est aussi un comédien qui s'est lancé dans la réalisation, avec Seuls Two ou bien la série Platane, qui aura le droit à une seconde saison. Il aime l'absurde et a trouvé en Quentin Dupieux l'homme parfait, avec Wrong notamment. Une renaissance artistique l'a touché, mais c'est surtout son passé qui sera au coeur de son portrait dans So Film.
La souffrance des Dalton
Désormais, il veut tout maîtriser, nous apprend So Film : "C'est le seul moyen pour que mes vannes ne soient pas trahies à l'image. Et si c'est raté, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même." Des ratés, il en a eu comme tout le monde mais il en est un dont il se souviendra bien, le film Les Dalton : "On en reparlait récemment avec Michel Hazanavicius [réalisateur de The Artist] qui a coécrit le film avec moi : le scénario était hilarant, l'un des meilleurs trucs qu'on ait écrits avec Michel. On avait demandé à ce que ce soit lui qui réalise, mais UGC nous avait répondu : 'Il fait que des pubs, il sait pas réaliser.' L'Oscar, depuis, a fermé beaucoup de gueules. Mais à l'époque, ça nous a foutu les boules. Quand on a filé le scénario à Philippe Haïm, on lui a dit : 'On veut un western crade, un western réaliste, il faut que les mecs existent en vrai.' Quand t'arrives le premier jour sur le plateau et que tout est bariolé avec des couleurs fluo, tu comprends que c'est niqué. Ton scénario est violé.' "
Les Dalton, descendu par la critique, n'aura donc pas laissé un doux souvenir chez Eric Judor. Le réalisateur Philippe Haïm n'a certainement pas gardé de bonnes relations avec l'humoriste. Le chef opérateur qui travaille avec les deux hommes, Vincent Muller, a déclaré : "Chacun me dit que l'autre est le pire enculé que la Terre ait porté." Officiellement, le metteur en scène Haïm dira : "Eric Judor, c'est quelqu'un qui aimerait être quelqu'un d'autre. Il a envie de dire. 'Je ne suis pas un comique, je ne suis pas qu'un homme d'affaires.' C'est un peu triste, ça doit être douloureux." Selon Muller, Quentin Dupieux est sa référence ultime.
Les boudins d'Eric
Au fil de cette interview croisée avec des paroles de ceux avec qui il a travaillé, Eric Judor raconte sous la forme d'anecdote son expérience au sein de l'armée : "J'ai rencontré un type avec qui j'ai écrit un sketch sur deux mecs qui voulaient faire un casse. Nos potes trouvaient ça plutôt naze. [...] On se trouvait trop marrants et on voulait monter sur scène mais, juste avant le jour de l'audition, mon pote m'appelle pour me dire qu'il a signé un CDI chez Air France et qu'il se barre. [...] Ce mec, c'est Lionel Dutemple, l'auteur des Guignols. Quand il a vu que ça marchait bien pour moi, il m'a rappelé : 'T'as pas un truc pour moi ?' " So Film propose aussi les souvenirs de jeunesse d'Eric du point de vue de Lionel Dutemple : "[Eric] était tellement moche qu'il ne ramenait que des boudins. Une fois, j'ai même dû sortir une fille de sa voiture tellement elle était moche, c'était pas possible, c'était un ouistiti, la meuf."
Une amitié qui a survécu aux conflits
Le ton devient sérieux quand on aborde la relation entre Eric et Ramzy. Amis fusionnels qui se voient "300 jours par an", leur duo reste solide, mais pas face à Seuls Two, qu'ils ont réalisé ensemble en 2008. Il ne dépasse pas le million d'entrées au box-office et le tournage a été conflictuel, reconnaît Ramzy : "C'est comme si un couple ensemble depuis quinze piges n'avait pas décidé, au moment d'avoir un enfant, qui faisait le papa et qui faisait la maman. Du coup, c'était : 'C'est moi le réalisateur, non c'est moi, non c'est moi...' Le temps était venu de faire chacun nos trucs. Pendant deux ans, on ne s'est pas appelés, rien, aucun contact." Leur séparation professionnelle et amicale se double aussi de leur divorce, explique Ramzy : "Ça nous a coûté nos femmes. Pour les gens qui vivaient avec nous, c'était infernal. Ça doit quand même être chiant quand t'as l'impression que ton mec a 3 ans et demi dès qu'il est avec son pote. Même nos enfants, on les saoulait."
Entretien à coeur ouvert, Eric Judor répondra même aux questions sur l'histoire de cocaïne à laquelle il était mêlé dans la nuit du 11 avril 2010 : "J'étais au mauvais endroit, au mauvais moment, avec les mauvaises personnes. Ça ne change rien à qui je suis, à ce que je fais, y a pas de leçon à tirer de ça, fin de l'histoire." Ramzy ajoutera : "Ça m'a fait de la peine. Jamais de la vie il n'a touché à ça. Eric, c'est le mec sain, jamais il n'a vécu le cliché de la jeunesse qui accède à la notoriété, moi oui, mais pas lui, et du coup, une fois qu'il a été divorcé, il a voulu connaître ça aussi, et pam, première fois, il se fait pécho... C'est son personnage dans Platane quoi. C'est pathétique tellement pas de bol !"
Les deux hommes se reparlent aujourd'hui. Leur projet ensemble ? La Tour Montparnasse infernale 2. C'est l'heure de la déclaration d'amitié et Ramzy dira à quel point il souhaite que son copain Eric réalise le film : "Il va lire ça ici, et c'est mieux comme ça, parce que je ne sais pas comment lui dire, mais c'est une évidence : il est fait pour ça. Je n'ai plus d'ego là-dessus."
Retrouvez l'intégralité de l'article dans le magazine "So Film" du mois de mai 2013