Solennels et solidaires l'un de l'autre, le roi Juan Carlos Ier d'Espagne et son héritier le prince Felipe n'ont rien changé lors de leur première apparition conjointe, mardi 3 juin 2014, après l'annonce surprise de l'abdication du monarque au profit de son fils, faite lundi. Le jour même où le Conseil des ministres ibérique approuvait la proposition de loi d'abdication du premier.
Alors même que leurs rôles sont sur le point de s'inverser, l'icône de la monarchie espagnole et celui qui incarne son avenir présidaient de pair - officiellement, le roi présidait, et le prince des Asturies l'assistait - les cérémonies du bicentenaire de l'ordre royal et militaire de San Hermenegildo au monastère de San Lorenzo de El Escorial, à Madrid.
Complices, les deux hommes n'ont rien vraiment laissé paraître du changement profond qui est à l'oeuvre. Dans moins de deux semaines, une fois que le processus légal de succession aura été mené à terme (la loi d'abdication doit être votée par les députés), le prince Felipe sera couronné et proclamé roi, devenant Felipe VI. En attendant son avènement sur le trône en même temps que celui d'un lourd fardeau sur ses épaules, Felipe d'Espagne s'appliquait une fois de plus dans son rôle de fidèle lieutenant, restant à sa place de second lors du protocole.
Sans doute soulagé d'avoir acté son renoncement, le roi Juan Carlos Ier, dont la position était devenue intenable tant du fait de sa santé déclinante que de son aura ternie par de multiples scandales, est apparu détendu à certains moments des célébrations en l'honneur de l'ordre militaire institué en 1814 par Fernando VII. Revue des troupes, commémoration des tombés au champ d'honneur, messe et remises de décorations étaient au programme de cet événement que l'héritier du trône avait présidé seul en 2013. De nombreux curieux attendaient le duo royal au monastère, et le roi en préavis a pu profiter des vivats qui ont retenti à son intention.
Il n'y a pas eu de discours au monastère San Lorenzo. Mais ce mercredi, père et fils avaient l'occasion, séparément, de s'exprimer lors d'engagements officiels distincts - le roi lors de la remise du prix Royaume d'Espagne au palais madrilène du Pardo, le prince héritier lors de la remise du prix Prince de Viana de la Culture. Une nouvelle opportunité pour le souverain, très affecté lundi lors de son discours d'abdication, de mettre en exergue son désir de "renouveau" pour l'Espagne et sa confiance en son fils, arrivé à "maturité". Ce dernier était lui-même particulièrement ému, en déplacement au monastère de San Salvador de Leyre avec son épouse Letizia, en annonçant en "ce jour spécial" vouloir "dédier toutes [s]es forces, avec espoir, à la tâche passionnante de continuer à servir les Espagnols".
Pour les commentaires des autres membres de la famille royale, il faudra attendre : la reine Sofia est en mission à New York, l'infante Elena en Équateur pour visiter des programmes de coopération sociale de la Fondation Mapfre, et l'infante Cristina à Genève, où elle vit depuis l'été 2013 dans l'attente du procès qui les attend, son mari et elle, dans le cadre des détournements de fonds de l'Instituto Noos.