Pour la première fois depuis bien longtemps, le Stade de France a exulté. Sans réserve, sans pinailleries, comme un seul homme. C'était le voeu de Laurent Blanc : que les Bleus reconquièrent leur antre, qu'ils soient à nouveau maîtres en leur demeure. A dessein, le Président avait ainsi bousculé les habitudes, faisant déménager le groupe de Clairefontaine à Enghien, pour un entraînement inédit, vendredi, au Stade de France.
Maîtres, ils l'ont été, ces Bleus : menés par un capitaine Alou Diarra qui a méchamment tenu la barraque et un Nasri responsable et inspiré au sommet de son art, qui, pour son retour sous la tunique bleue, a orienté le jeu avec maestria et ponctuellement affolé des Roumains regroupés et spécialistes du match nul, tant balle au pied qu'en distributeur, ils ont forcé la décision dans les dernières minutes. Une victoire 2 à 0, comme précédemment lors du déplacement en Bosnie-Herzégovine. A ceci près qu'à la maison devant près de 80 000 spectateurs (et 8,3 millions de téléspectateurs sur TF1 pour 38% de part d'audience, record depuis septembre 2007), le sentiment du devoir accompli a une toute autre saveur.
Au lendemain de cette enthousiasmante confirmation (revoyez les buts et l'analyse de Laurent Blanc ci-dessus) qui place la France en tête du groupe D avec 6 points en trois matches et écarte déjà, à quatre longueurs, le principal rival (la Roumanie), on veille à ne pas trop s'enflammer. Chat échaudé... Ici et là, on n'oublie pas de signler que, dans la finition, il y a encore du boulot. Mais on ne manque pas de saluer l'essentiel : le panache, l'envie qu'affiche ce groupe. Pour reprendre les mots du sélectionneur : "Quelque chose se crée". Comme un souffle, que Raymond Domenech réclamait à corps et à cris telle une vaine méthode Coué, et qui revient enfin emporter les - on peut écrire le mot - supporteurs de l'équipe nationale.
Dans les faits, la délivrance fut à la hauteur de la crispation, chevillée jusqu'à la 83e minute et ce but messianique (quelle ouverture de Diarra !) d'un Loïc Rémy décidément plein de classe : l'attaquant marseillais, entré en jeu à la place d'un Mathieu Valbuena - qui frappa sur la barre - lui-même indispensable lorsqu'il est aussi judicieusement remuant, est appelé à devenir incontournable en Bleu. Dans le secteur offensif, si Florent Malouda a été étrangement en deçà de son impact habituel, il convient d'apprécier le travail fourni par Karim Benzema : pas encore buteur hier soir (lui aussi à toucher les montants), le Madrilène, qui a quelques états d'âme et beaucoup à prouver, s'est montré volontaire et utile aux autres, dans ses appels, dans sa conduite et sa conservation, dans ses gestes, incisifs. A quand son tour d'être décisif ? Après sa sortie, le néophyte Payet, étincelant et auteur, déjà, d'une passe décisive qui offrit le but du 2 à 0 (92e) à un Yoann Gourcuff relativement transparent, a marqué des points. Un dénouement propice à la liesse, après une première mi-temps stérile et passablement insipide, ainsi qu'un coup de chaud lorsque Clichy, maillon faible de la défense tricolore, se troua et que les Roumains touchèrent le cadre d'un excellent Lloris.
Sébastien Loeb et Daniel Elena, fraîchement auréolés d'un septième titre WRC, venus insuffler leur part d'esprit de la gagne en donnant le coup d'envoi de la rencontre, ont apprécié.
Et, tandis que les joueurs foulaient à nouveau la pelouse du SdF ce dimanche pour un décrassage, on a déjà hâte de les voir à nouveau à l'oeuvre : ce sera mardi, à Metz, et il faudra percer le coffre-fort défensif du Luxembourg.
G.J.