L'héritage de Sex and the City (1998-2004) est une tare pour les séries féminines du nouveau millénaire. Honteusement copiée dans les fours Cashmere Mafia (2008) et Lipstick Jungle (2008), méchamment abimée dans les deux films adaptés de la série avec Sarah Jessica Parker et bientôt rebootée avec The Carrie Diarries, la fable post-moderne des citadines libérées était semble t-il condamnée.
C'était sans compter sur la révélation du cinéma indé-arty Lena Dunham, fantastique actrice, réalisatrice et scénariste de 26 ans derrière la série Girls. Parrainée par le roi de la comédie Judd Apatow, cette épopée burlesque et mélancolique sur quatre paumées assume son lien avec Sex and the City dès le pilote, décoré d'un poster de la série culte. Mais la comparaison s'arrête là.
Girls gone bad
L'histoire de Girls commence dans un restaurant new-yorkais. Rêveuse mal fagotée et perchée, Hannah (Lena Dunham) apprend qu'elle va devoir s'assumer financièrement, après quelques années à vivre au crochet de ses parents. Ainsi commence cette fable décalée sur les erreurs de la vie d'adulte dans une métropole pleine de possibilités et de culs-de-sac.
Comme Carrie Bradshaw, Hannah est entourée de ses copines hautes en couleur - colocataire typée prom queen, vierge effarouchée et bohème sans foi ni loi. Sauf qu'ici, personne n'est épargnée, à commencer par l'héroïne, modèle d'égocentrisme et de masochisme. Une approche plus brute héritée du cinéma indépendant et confirmée par la silhouette de Lena Dunham, très loin des canons hollywoodiens mais filmée d'une manière frontale qui donne un sacré coup de vieux aux séries qui se voulaient choc - Sex and the City en tête.
Born to be wild
La pomme n'est pas tombée bien loin de l'arbre. Élevée par un père photographe et une mère peintre, Lena Dunham écrit, réalise et interprète son premier film à 24 ans. Très remarqué sur la scène indépendante, Tiny Furniture (2010) raconte les déambulations d'une adulescente fraîchement diplômée, incapable de choisir sa voie. Épaulée par Judd Apatow et soutenue par HBO, elle créé la série Girls (2012) deux ans plus tard, non sans être consciente que la chose sera comparée à Sex and the City, diffusé en son temps sur la même chaîne : "Je me refère à cette série comme n'importe quelle fille de ma génération. Gossip Girl c'était des ados qui se battent dans l'Upper East Side et Sex and the City c'était des femmes qui avaient géré leur travail et leur amis, et qui essayaient de réussir leur vie familiale. Il y avait un espace entier entre les deux qui n'avait pas été traité."
La deuxième saison étant commandée depuis belle lurette, Girls s'est achevée aux Etats-Unis sur une note mélancolique, refusant la mode des twists qui bousillent les séries actuelles. Une nouvelle preuve que Lena Dunham n'est pas une fille comme les autres, et qu'elle se trace un avenir pas ordinaire.
Geoffrey Crété