État de Grace... Voici comment nous pourrions qualifier le retour de l'ardente star jamaïcaine Grace Jones.
Icône de mode indétrônable des années 1970 et 1980, chanteuse, actrice mais aussi muse et compagne de Jean-Paul Goude, la sculpturale déesse de 67 ans revient sur le devant de la scène et édite pour la première fois ses mémoires publiées aux éditions Séguier.
Paradoxe à elle toute seule, la star hors norme qui chantait jadis "Je n'écrirai jamais mes mémoires" cède pourtant aujourd'hui à la mode de l'autobiographie. "J'ai senti que si ce n'était pas moi qui racontais mon histoire, quelqu'un allait l'écrire à ma place avec beaucoup d'erreurs, se justifie-t-elle. Alors quand un éditeur m'a approchée, qui plus est avec une grosse somme d'argent, je n'ai pas pu refuser. Ce fut agréable de raconter mes souvenirs. Après un bon repas et deux bouteilles de vin, j'étais très relaxée", confie-t-elle dans une interview accordée à nos confrères du Parisien.
Pour fêter l'événement, elle a choisi un lieu atypique et pas si anodin : Les Bains Douches, théâtre de nombres de ses extravagances. "Ah si les murs pouvaient parler ici, confie-t-elle avec gourmandise. C'était comme ma maison. Quand je venais à Paris, je posais ma valise ici avant même d'aller chez moi."
Aux côtés de quelques fidèles tels que Jean-Paul Goude, Jean Paul Gaultier, Kenzo, Amanda Lear, Arielle Dombasle, la panthère noire à l'allure toujours plus excentrique a mené la danse.
Il faut dire que cette exhibitionniste fut l'initiatrice des soirées les plus folles à Hollywood et Venise. "Les gens faisaient ce qu'ils voulaient, il était juste interdit de mourir", écrit-elle, en décrivant les montagnes de cocaïne qu'elle présentait sur des plateaux d'argent. "Je me suis toujours assurée d'avoir les meilleures drogues et je n'ai jamais fait d'overdose. Mais je suis très chanceuse d'avoir survécu à toutes ces folies."
Pleine de vie, elle savoure désormais un bonheur d'une toute autre nature, celui d'être grand-mère. "Elle a 7 ans, est très douée pour la danse, s'enthousiasme Grandma Jones à propos de sa petite-fille, Athéna, fille de son fils Paulo. Elle vient me voir en concert et en vacances à la Jamaïque. J'adore être grand-mère !"
J'ai une réputation pourrie de fille imprévisible
Figure emblématique de toute une époque, la bombe black est passée d'un extrême à l'autre. Une enfance dans une famille pentecôtiste extrêmement stricte et sévère, puis un destin plus flamboyant : du succès dans les bacs, des rôles incandescents au cinéma et un amour passion avec Jean-Paul Goude. Lui qui en fit la mère de Paulo (36 ans) et réalisa ses clips dans les années 80 ainsi que les pochettes des albums Nightclubbing, Living My Life et Slave to the Rhythm.
L'image fantasque de cette femme insolente et libre fait mouche, sur les podiums pour Yves Saint-Laurent, Jean Paul Gautier et Azzédine Alaïa et à travers les pages des plus grands magazines de mode. Précurseur en tout genre, celle qui endôssa le rôle assassin de May Day dans le 14e James Bond, Dangereusement vôtre peut se targuer d'être une source d'inspiration multigénérationnelle. "J'ai été tellement copiée par ces gens qui ont fait fortune", écrit-elle.
"Je n'ai jamais voulu être un exemple", assure-t-elle. Elle l'a pourtant été pour Madonna, Lady Gaga et autres Miley Cyrus. Là encore, elle assume : "Ils ont regardé mes clips, sont venus voir mes shows, ont pris le meilleur de mes tenues et mises en scène, grince-t-elle. D'un côté, ce n'est pas si grave, mais d'un autre, ça me gave vraiment. Et ça me donne envie de dévoiler encore quelques secrets dans un volume 2. Au point où j'en suis ! J'ai une réputation pourrie de fille imprévisible, qui frappe des gars à la télé [en 1981, elle a frappé le présentateur britannique Russell Harty parce qu'il lui tournait le dos, NDLR] et dont tout le monde a peur. J'ai une si mauvaise image que je n'ai aucune raison de mentir."
Une franchise déconcertante à découvrir dans ce recueil autobiographique qui mêle folies, addictions et côté sombre.
Stéphanie Laskar
"Je n'écrirai jamais mes mémoires", par Grace Jones avec Paul Morley, Ed. Séguier, 22 €.