
Dès les premières minutes de son passage sur le plateau de Quotidien, Anouk Grinberg plonge l’audience dans un récit bouleversant. Venue faire la promotion de Respect, un livre personnel et militant, la comédienne brise un silence qu’elle gardait depuis plus de trente ans. Face à Yann Barthès, celle qui s’est fait remarquer lors du procès de Gérard Depardieu évoque la violence des années passées aux côtés du cinéaste Bertrand Blier, décédé en janvier dernier, avec qui elle a partagé dix années de vie et un enfant, Léonard.
Au fil de l’entretien, les révélations se succèdent. Sous couvert d’amour, d’admiration artistique et de fascination, Blier aurait imposé à sa compagne un climat toxique où les rôles au cinéma se confondaient avec la réalité. "Il m’aimait… Enfin, il a déliré sur moi. J’étais l’objet de ses délires et de ses fantasmes", confie l’actrice, d’une voix tremblante face à Yann Barthès. Anouk Grinberg raconte avoir été contrainte de tourner dans Mon homme, un film qu’elle ne voulait pas faire.
Ce refus lui aurait valu des menaces : "Je ne voulais jamais faire ce film. Une histoire de pute. J’ai une morale moi. (...) Il m’a obligée à faire ce film, il m’a menacé de me retirer mon enfant si je ne le faisais pas, car il disait que j’avais du pus dans la tête" raconte-t-elle. Il aurait aussi obtenu la complicité d’un psychiatre "de stars" pour la faire médicamenter contre son gré. "Il m’a mise sous neuroleptique pour me faire accepter", dit-elle avec effroi avant de poursuivre : "C’est lui qui m’a emmené de force une fois et qui lui a expliqué que j’étais un peu zinzin. En fait je n’étais pas plus zinzin que personne."

Le moment le plus violent de cette emprise, selon Anouk Grinberg, intervient au moment de sa maternité. En 1993, elle donne naissance à leur fils Léonard. Mais là où elle pensait trouver une forme d’apaisement, elle découvre une nouvelle forme de violence. La naissance de son fils devient un tournant. De "l’objet" qu’elle était aux yeux de Blier, elle passe à "un sujet" — une femme, une mère, une personne avec des limites. Une transformation que le cinéaste n’aurait pas supportée. "Ce sujet-là ne lui plaisait pas. Il l’a combattu", déclare-t-elle dans Médiapart.
C’est toujours par le biais de la folie que le cinéaste tente de la faire plier : "Il se trouve que j’ai une mère malade mentale et vraiment horrible et j’ai eu tellement peur toute ma vie d’être une folle que quand il me menaçait d’être folle je me suis agenouillé devant cette terreur-là", explique-t-elle avant d’ajouter : "Et la terreur aussi de potentiellement abîmer mon fils puisqu’il me disait que vu le pus que j’avais dans la tête il fallait me le retirer et de toute façon il fallait me retirer ma liberté de décision." Si elle fait ce dernier film au côté du réalisateur, sa volonté de s’émanciper et de protéger son enfant l’aurait poussée à fuir : "Je me suis sauvée et après il me l’a fait payer, cher… Il m’a grillé dans le métier, il m’a calomniée dans le métier et puis il a touché au plus sacré. Il a touché à l’enfant" révèle-t-elle. Un enfant, qui avait toutefois rendu un vibrant hommage à son père lors de sa disparition.

Parmi les réactions provoquées par les propos d'Anouk Grinberg, celle de la comédienne Myriam Boyer, qui écrit sur son compte Facebook. "Anouk, je ne discuterai pas de ton point de vue sur ce que tu as vécu... Mais je me permets de te rappeler le bonheur que nous avons vécu lors du tournage du film Un deux trois soleil avec Bertrand Blier. Je me souviens de toi et Bertrand amoureux dans l’attente d’un bébé, d’ailleurs votre fils dont Bertrand était si fier ! Bertrand Blier restera pour moi en temps que comédienne le réalisateur le plus élégant que j’ai pu connaître !"