Installée à Oxford depuis 2010 pour poursuivre des études de théologie, Ingrid Betancourt, qui fut l'otage des Farc durant six ans avant sa libération en 2008, revient avec un premier roman intitulé La Ligne bleue. Un roman sur fond de dictature argentine qui suit le destin de Julia, une militante dont l'existence, à l'instar de celle d'Ingrid Betancourt, est bouleversée par l'Histoire. L'ex-otage a accordé de nombreuses interviews pour défendre son livre et a récemment révélé son bonheur de voir sa fille Mélanie se marier bientôt. Car depuis sa libération, sa fille et son fils sont ses uniques priorités.
L'insupportable parenthèse
En 2002, la candidate verte à l'élection présidentielle colombienne est enlevée par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Ses enfants, Mélanie et Lorenzo, dont le père est son premier mari, Fabrice Delloye, dont elle a divorcé en 1990, sont âgés d'à peine 16 et 13 ans. Les retrouvailles sont évidemment compliquées. "J'avais raté six ans de leur vie, à une époque charnière de leur construction, raconte l'intéressée dans le grand portrait que lui consacre Libération, ce 24 juin. Je ne voulais pas rater cette chance que j'avais de les récupérer. Il m'a fallu reconstituer ce qui s'était passé en mon absence, déchiffrer leurs réactions." Très sollicitée après son retour en France, Ingrid Betancourt dit non à tout et décide de se concentrer sur Mélanie et Lorenzo : "J'étais sincèrement désolée, mais ma priorité était mes enfants, explique Betancourt dans Version Femina. J'ai été beaucoup critiquée. Que j'étais égoïste, que je ne me souciais pas des autres. Ça été dur."
En 2008, ils sont âgés de 22 et 19 ans. "Avec mon fils, raconte Ingrid Betancourt, c'est parfois plus compliqué, oui. Parce que c'est un homme. Quand je suis arrivée, il avait l'âge auquel, normalement, une mère a commencé à laisser vivre son fils. (...) J'ai vite compris qu'il y avait, avec ces enfants que j'avais quittés petits, un 'espace social' entre eux et moi. Il y avait de l'affection, mais elle était un peu distante. Avec Mélanie, c'était plus facile, elle était déjà une femme. (...) Avec Lorenzo, le jour où il a commencé à me raconter ses problèmes amoureux, je me suis dit que j'avais enfin réussi."
Bonheur partagé
Désormais, Ingrid Betancourt se dit heureuse, voire "trop", parce qu'elle marie sa fille et qu'elle adore son gendre. Ensuite, parce que cet heureux événement, elle était terrifiée à l'idée de le louper durant sa captivité. Une peur partagée par sa fille. "J'avais eu cette conversation avec un des commandants, se souvient Betancourt dans Version Femina. Il m'avait lancé : 'Vous ne sortirez d'ici que lorsque vous serez grand-mère.' C'était violent à entendre."
Tandis que Lorenzo (25 ans) étudie la musique à Boston, sa grande soeur de 28 ans a terminé ses études de cinéma à New York et vit désormais à Paris. Bientôt, elle épousera un Argentin, un homme pour qui Ingrid Betancourt ne manque pas de tendresse : "J'aime leur couple et je l'aime en tant qu'homme : il est plein de finesse, de retenue mais, en même temps, il a un très bon sens de l'humour. Je crois qu'il saisit bien ma fille. J'aime leur relation. Il est intelligent et sensible." Six années de captivité, six années de liberté et le bonheur d'être là pour sa fille et son fils. Même si "le physique a récupéré plus vite que le reste", Ingrid Betancourt, toujours hantée par des épisodes de sa captivité, profite enfin aujourd'hui de ceux qui lui ont tant manqué...