En France, seuls les férus de mode connaissent son nom. Aux États-Unis et ailleurs, Iris Apfel est un véritable phénomène qui ne cesse de faire tourner les têtes sur son passage. Une popularité exacerbée depuis le documentaire éponyme qui a été réalisé sur elle en 2014 et qui est toujours disponible sur la plateforme Netflix. Mais qui est ce drôle petit bout de femme qui vient tout juste de fêter ses 97 ans ?
Interviewée cette semaine dans les colonnes de Paris Match, Iris Apfel est revenue sur son incroyable parcours. Née en août 1921 dans le Queens, issue d'une famille juive dont le père, Samuel Barrel, possédait une entreprise de verre et de miroir, et dont la mère, Sadye, dirigeait une boutique de mode, Iris Apfel a baigné très tôt dans le milieu des arts et de l'entreprenariat. D'abord journaliste pour le quotidien Women's Wear Daily, elle se tourne ensuite vers le design d'intérieur. En 1948, elle rencontre celui qui deviendra son mari, Carl Apfel (mort en 2015 à quelques jours de son 101e anniversaire). Ensemble, ils lancent leur société de textile Old World Weavers, rachetée au début des années 1990 par un proche de Donald Trump. Des années durant, grâce à cette entreprise, le couple se rend aux quatre coins du monde pour exporter des bijoux, des tissus et autres vêtements et breloques artisanaux.
Alors que son entreprise avec son époux cartonne, Iris Apfel prend le temps d'ajouter une corde à son arc en devenant la décoratrice officielle de la Maison Blanche pour le compte de neuf présidents. Des travaux réalisés entre 1950 et 1992, de Truman à Clinton, en passant par Kennedy et Carter. "Ça m'a valu le surnom de 'première dame du tissu'. Mais ce n'était pas de la décoration car, là-bas, il ne faut rien changer. Il s'agissait de recréer des anciens tissus au plus proches de originaux", confie-t-elle à Paris Match.
Celle qui affirme avoir "la créativité d'une artiste et l'esprit pratique d'une femme d'affaires", qui se donne pour seule règle de ne surtout pas en avoir, avait déjà parcouru un beau et long chemin lorsqu'elle soudainement projetée en pleine célébrité... à l'âge de 84 ans. "C'était en 2005. Jusque-là, j'étais connue dans le milieu du design et de la mode, pas au-delà. Cette année-là, le conservateur de l'Institut du costume du Metropolitan Museum of Art m'a proposé de monter une petite exposition autour de mes accessoires de mode et de mes bijoux... Je remplaçais un autre projet qui était tombé à l'eau. Et c'est devenu un phénomène de société. C'est fou", raconte-t-elle.
Le Botox ? Quand je vois les autres, j'ai bien fait de m'abstenir...
Après quoi, la machine s'est emballée, propulsant cet oiseau rare à l'énergie communicative sur une folle plateforme. Les ados ne jurent que par elle, les designers se l'arrachent et les marques ne cessent de lui tendre la main pour de nouvelles collaborations. Une poupée Barbie a même été créée à son effigie et son compte Instagram, suivi par un million d'abonnés et qui permet d'évoquer son actualité, est géré par une entreprise spécialisée. Détachée, Iris Apfel admet qu'elle n'y connaît rien. "Je n'y vais jamais. Je suis contre les réseaux sociaux, je ne les utilise pas car je pense que c'est une régression pour l'humanité. Ça tue la créativité, on appuie sur un bouton et on imagine qu'on invente quelque chose. C'est grotesque", lâche-t-elle sans ciller.
Dire ce qu'elle pense sans se soucier du qu'en dira-t-on est l'une de ses plus grandes libertés et ce qui la définit le mieux. Curieuse et enthousiaste, elle se dit être "l'ado la plus âgée du monde". Si elle n'a pas peur de vieillir et qu'elle se dit contre le Botox ("la chirurgie esthétique, c'est très bien si vous avez un nez disgracieux ou le visage défiguré par un accident, mais pas pour rajeunir. Quand je vois le résultat chez d'autres, je me dis que j'ai bien fait de m'abstenir"), Iris Apfel ne veut toutefois pas penser à la mort, ni même "prononcer le mot". "Depuis que mon mari est parti, je travaille encore plus pour essayer d'oublier son absence. (...) Rester active me maintient en vie. Pour moi, le travail, c'est la santé. Ma philosophie, c'est de vivre chaque jour comme c'était le dernier. Et il arrivera bien un moment où je finirai par avoir raison...", conclut-elle.