Jazz Summers. Avec un nom tel que celui-là, il ne pouvait que faire la pluie et le beau temps dans le monde de la musique. Homme de l'ombre, il l'a indéniablement illuminé, et elle restera comme une date noire, celle qui a vu la disparition de l'exceptionnel manager d'artistes britannique...
Atteint depuis deux ans d'un cancer au poumon, Jazz Summers est mort dans la nuit du 14 août 2015. Agé de 71 ans, il s'est éteint "paisiblement", laissant derrière lui Dianna, sa quatrième femme, Katie, Rio et Georgia, ses trois filles, et Claire, Lila et Rose, ses petites-filles. Quant au public, également orphelin d'une certaine manière, il se souviendra qu'il a été le père de pans entiers de la musique outre-Manche, dénicheur de talents hors pair qui fit éclore et accompagna des artistes et groupes majeurs, tels Wham!, Boy George, The Verve, Snow Patrol, Scissor Sisters, Lisa Stansfield, Yazz (qui fut sa troisième épouse), Klaxons, La Roux, London Grammar... Soit un catalogue qui pèse plus de 60 millions d'albums et plus de 72 millions de singles vendus dans le monde, et une bonne centaine de tubes.
"Le milieu de la musique a perdu l'un de ses plus ardents, illustres et brillants personnages, a déclaré un porte-parole de Big Life Management, la société que Jazz avait fondée en 1986, dans des propos que rapporte - assortis d'une magnifique photo du défunt - le quotidien The Guardian. Fervent défenseur des musiques nouvelles, anti-conformiste et visionnaire, Jazz Summers laisse un grand vide." Passé "maître dans le développement d'artistes" et doué pour deviner le potentiel d'une chanson, un don qui s'est vérifié sur plusieurs décennies, Jazz Summers n'était guère prédestiné à un tel parcours par son adolescence, passée dans le giron de l'armée. Il avait en effet intégré l'école militaire dès l'âge de 12 ans et s'était engagé dans l'armée à 15, officiant dans les transmissions radio à Hong Kong et en Malaisie. C'est sur d'autres ondes qu'il allait se révéler.
Avance rapide : en 1985, alors qu'il a 31 ans, Jazz Summers, avec son partenaire Simon Napier-Bell, fait franchir un énorme palier au groupe - alors superstar en son pays - Wham!, duo dont la plus fameuse moitié se nomme George Michael : les deux hommes le font percer aux Etats-Unis, ce qui vaudra à Summers sa réputation d'expert concernant le marché américain, et en font même le premier groupe pop occidental à tourner en Chine. L'année suivante, il fonde avec un associé, Tim Parry, Big Life Management, qui produit plusieurs artistes (notamment De La Soul) sur son propre label, Big Life Records.
Il était tout pour nous.
Dénicheur, il était aussi reconnu comme un farouche protecteur de ses artistes, et des artistes en général, dont il défendait les intérêts notamment en qualité de directeur du Music Managers Forum, et comme force active d'autres organismes (Featured Artists' Coalition, Julie's Bicycle). On comprend d'autant mieux la vague d'émotion qui a déferlé, sur Twitter particulièrement, à l'annonce de sa disparition. Boy George (Culture Club) a eu le "coeur brisé" en apprenant le décès de son ancien ami et manager, "une formidable force de la nature qui se sera battue jusqu'au bout". Zane Lowe, l'incontournable DJ de Radio 1, a voulu se souvenir de sa manière brillante de mener les choses et de son "soutien inébranlable" aux artistes, faisant écho au portrait d'homme "spirituel, de guerrier stoïque et d'allié férocement loyal" qu'en avait fait il y a quelques années Richard Ashcroft, de The Verve. C'était "un compétiteur acharné et une personnalité qui se battait pour ses artistes", a renchéri Chris Duncan, de The Orchard. Même son de cloche du côté des rockeurs de The Futureheads : "Jazz Summers était tout pour nous, a réagi la bande de Ross Millard. Il avait un coeur immense et débordait d'énergie vitale pour sans cesse faire en sorte que les choses se réalisent." Et avec ça, "profondément humble, apprécié des artistes et respecté des maisons de disques", souligne Martin Talbot, de The Official Charts Company.
Et si Gary Lightbody, de Snow Patrol, confia par le passé que cet être très entier était "capable de faire pleurer des hommes, des vrais", c'est sans doute lui qui avait les larmes aux yeux en repensant comment Jazz Summers a cru en son groupe "quand peu y croyaient", leur ouvrant les portes du succès. "Merci, Jazz", a-t-il ainsi tweeté.
En 2013, Jazz Summers faisait paraître son autobiographie - dont le pitch, comme vous pouvez le lire par exemple sur Amazon et dont la couverture le présente en petit boxeur, est savoureusement exubérant. Big Life, s'intitule-t-elle. Evidemment.
G.J.