S'il a une carrière cinématographique absolument magnifique, Jean-Louis Trintignant a aussi vécu des drames sans pareil. Parmi eux, la mort de deux de ses enfants, Pauline et Marie. Il les évoque justement dans une interview accordée à l'Obs. Après celle de Marie Trintignant, décédée le 1er août 2003 des suites des coups violents portés par son compagnon de l'époque, Bertrand Cantat, il avoue avoir cultivé une sorte de phobie des photos. "Quand Marie est morte, on m'a beaucoup pris en photo. On me disait souvent : 'Souriez. Mais qu'est-ce que vous avez ? Souriez !'", s'est-il souvenu.
Mais il a surtout évoqué le cas de Pauline, morte en 1970 quelques mois après sa naissance, au détour d'une rancoeur qui semble bien tenace depuis près de 50 ans. "Je venais de perdre ma fille Pauline et j'ai quand même joué un film, raconte-t-il en évoquant ce sublime rôle qu'il a eu dans Le Conformiste de Bertolucci. Une fois, il m'a dit : 'Il y a une scène, tu as mis une intensité exceptionnelle. À quoi tu pensais ?' Alors j'ai trouvé cette question tellement gênante que je lui ai dit : 'Je pensais aux pneus de ma voiture.' C'était une blague bien sûr, je pensais plus à Pauline qu'aux pneus de ma voiture. Et Bertolucci, il l'a pris au premier degré. Dans les interviews, il disait : 'Trintignant, il était formidable, il pensait aux pneus de la voiture.' Je trouvais que c'était un manque de subtilité, alors que je l'ai beaucoup aimé à l'époque."
En 2012, avant la sortie d'Amour de Michael Haneke et à l'occasion de la sortie du livre Du côté d'Uzès, entretiens avec André Asséo, Jean-Louis Trintignant se confiait déjà sur le décès de sa fille Pauline. Une épreuve quasi insurmontable. "Nadine et moi, nous avions loué un appartement à Rome pour deux mois, le temps du tournage du Conformiste. Nous avions deux enfants, Marie et une petite fille qui s'appelait Pauline. Un matin, alors que je partais tourner, je suis allé embrasser Pauline dans son berceau. Elle était morte, on n'a pas su comment." Dès lors, bouleversé, Jean-Louis Trintignant prend les choses en main. "J'ai dit à Nadine : 'Soit on se suicide, soit on accepte de vivre pour Marie'", lui aurait-il lâché.
Mais le pire était encore à venir avec la mort tragique de Marie Trintignant, "la plus grande souffrance de [sa] vie". "Rien au monde n'aurait pu m'atteindre davantage. Pendant deux mois, je suis resté prostré. [...] Au bout de ce long temps, j'ai décidé de vivre, de revivre", avait-il déclaré dans le livre.