Il est l'exception qui confirme la règle... Une anomalie pour certains.
Mahiedine Mekhissi est le petit Français qui vient troubler depuis quelques années maintenant la domination kenyane au 3000 mètres steeple. Au point de décrocher une nouvelle médaille d'argent , qu'il qualifie lui-même de "magique", pour sa seconde participation aux Jeux olympiques ce dimanche 5 août, après avoir ramené la même de Pékin il y a huit ans. Et c'est un Mahiedine heureux qui revenait sur cette nouvelle médaille, comme un pied de nez à tout ceux qui doutaient de sa capacité, et qui parlait simplement de chance pour la première... "Je suis content d'avoir gagné cette médaille pour l'équipe de France. (...) Je croyais en moi, je croyais en mes chances. (...) J'ai tout donné. J'ai mouillé le maillot. Je suis fier de ce que j'ai fait. J'ai couru pour ma famille, pour ma ville de Reims, mon entraîneur Farouk Madaci. Cette médaille, on l'a eue à deux", confiait-il, heureux, au journal L'Équipe.
Pourtant, ce n'était pas gagné avec la présence en finale des deux derniers champions olympiques et des derniers champions du monde. Mais c'est justement cette concurrence qui donne à Mahiedine Mekhissi la force d'aller chercher des podiums et des titres, comme en attestent ses deux victoires lors des championnats d'Europe en 2010 et 2012. Une force mentale qu'il puise dans son enfance, passée entre ses neuf frères et soeurs, son père maçon algérien et sa maman qui gère de main de maître la fratrie dans un petit trois-pièces du quartier de Wilson, un coin pas aidé du côté de Reims.
Et c'est cette adversité quotidienne qui donne au Tricolore cette force mentale, cette rage de vaincre. "Il a eu la chance, gamin, de vivre dans un contexte où il fallait avoir cette faim de réussir. Il sait que le succès des Kenyans est dû à leurs conditions sociales : ils vont dépasser leurs limites parce qu'ils ont souffert dans la vie. Mahiedine, c'est un peu pareil, il court avec la rage", explique son manager Rachid Esmouni. "On n'avait pas de vêtements de marque, on n'allait pas au restaurant, mais on était heureux", ajoute le principal intéressé.
Sur la piste, l'homme se transforme. Garçon discret et timide dans la vie, il devient sur la piste un véritable conquérant. Ce qui, depuis sa bagarre avec Mehdi Baala, pèse parfois sur son image, pourtant bien loin de la réalité. "Il est simple, relax, ne se prend pas la tête, décrit son cadet, Omar. A la maison, je ne l'ai jamais vu se disputer avec l'un d'entre nous. Après la bagarre avec Baala à Monaco, quand il est rentré à la maison, il a baissé la tête devant mon père et ma mère. Je ne l'avais jamais vu se battre."
Sauf sur le tour de piste, où il a réussi à tisser des liens très étroits avec les athlètes kenyans, à l'image du vainqueur du jour, Ezekiel Kemboi. Une amitié que nul ne peut désormais ignorer, forgée lors de stages intensifs au pays du demi-fond. Les deux potes ont ainsi échangé leurs maillots, tels deux joueurs de foot, et le petit Ezekiel, 1,75 mètre, a sauté dans les bras du Français qui frise le mètre quatre-vingt-dix. Une longue étreinte qui marque tout le respect des rois du fond pour ce petit Frenchie venu mettre son grain de sel dans une spécialité réservée aux représentants du Kenya depuis des années maintenant.