Joey Feek savait le combat perdu, depuis plusieurs mois. Alors, atteinte d'un cancer du col de l'utérus diagnostiqué à un stade avancé en juin 2014, la moitié du duo country Joey + Rory, épouse à la ville dudit Rory (Feek), a stoppé son traitement et a vécu pleinement ce qu'elle a pu : le deuxième Noël puis le deuxième anniversaire de sa fille Indiana, née avec une trisomie 21, une ultime Saint-Valentin avec son mari adoré, et même un dernier album du duo qui s'est classé en tête des ventes... Elle aurait pu continuer encore longtemps à savourer son bonheur et à faire celui des autres, mais son sursis est arrivé à expiration : à 40 ans, Joey Feek est morte vendredi 4 mars 2016 à 14h30 dans la maison familiale d'Alexandria, dans l'Etat de l'Indiana.
Depuis l'automne, Joey Feek vivait ses derniers moments dans l'oeil du public. Via les réseaux sociaux et le blog This Life I Live joliment tenu par Rory, grand tendre sous ses allures de colosse provincial toujours en salopette, elle partageait, courageuse, toutes les émotions positives et tous les instants précieux dont le mal ne pouvait la priver. L'hebdomadaire People en avait même fait, sur son site Internet, son principal feuilleton, à un rythme quasi quotidien qu'on est en droit de trouver nauséabond... L'heure de l'épilogue est arrivée.
"Le plus grand rêve de ma femme s'est réalisé aujourd'hui, a écrit Rory Feek, 50 ans, dans son billet annonçant le décès de Joey. Elle est au Paradis. Le cancer est parti. La douleur a cessé. Et toutes ses larmes ont séché. (...) Quand une personne a dû endurer autant de douleur et se battre autant que Joey, tout ce qu'on désire, c'est que ça s'arrête. On veut qu'elle arrête de souffrir plus encore qu'on veut qu'elle reste avec nous. Alors, ça rend la lourde tâche de devoir dire au revoir un tout petit peu plus facile." A présent, Rory se prépare à regagner leur ferme dans le Tennessee avec sa petite Indiana, orpheline de sa maman, qui y sera prochainement inhumée : "C'est là, assure-t-il, qu'elle veut que nous soyons. Et c'est là qu'elle sera, Joey restera avec nous. Partout."
A l'annonce de la disparition de la chanteuse, les hommages ont rapidement afflué. Les grands noms de la country ont massivement témoigné leur chagrin, à l'instar de Carrie Underwood, Blake Shelton ou Kimberly Perry. Il y a quelques semaines, la grande et unique Dolly Parton, que Joey Feek reprenait dès le plus jeune âge, chantant par exemple à 6 ans Coat of Many Colors lors du spectacle de son école, et rêvait de rencontrer, avait enregistré un adorable message vidéo à son intention, à l'initiative de Rory.
Rory Feek et Joey s'étaient rencontrés en 2002 et mariés au bout de deux mois. "Nous savions que nous étions faits pour vivre ensemble et chaque minute de notre vie a été une bénédiction", confiait en 2010 le musicien. Dans la campagne profonde du Tennessee, les amoureux fusionnels vivaient simplement : il écrivait des chansons, elle dirigeait un restaurant avec sa belle-soeur... En 2008, leur troisième place dans un tremplin musical, "Can You Duet", leur valait un contrat avec le label Sugar Hill Records et un premier album à succès, The Life of a Song, porté par le titre Cheater, cheater. Récompensé par le prix de la révélation duo de l'année en 2010 aux Academy of Country Music Awards, le tandem a publié ensuite plusieurs albums : le septième et dernier, Hymns That Are Important to Us, est paru en février et s'est classé numéro un des ventes dans sa catégorie - une première pour le couple, qui avait dû annuler sa tournée en raison de l'état de santé de Joey.
En octobre, les derniers résultats d'examens faisaient l'effet d'une douche froide : alors que le couple s'attendait à des nouvelles positives, ils démontraient que le cancer était revenu, qu'il s'était propagé et qu'il allait tuer la jeune femme. Elle décidait alors de stopper son traitement et de rentrer chez elle pour profiter au maximum de ses dernières semaines avec les siens, son époux, la petite Indiana, mais aussi Heidi (29 ans) et Hopie (27 ans), filles nées d'une précédente relation de Rory : "Elle a fait tout ce qu'elle était censée faire, écrivait-il après-coup. Suivi toutes les instructions, encaissé tous les coups, s'est relevée et s'est battue (...) Nous sommes rentrés chez nous. Pas pour mourir. Mais pour vivre. Pour nous prendre par la main, et nous asseoir sur le porche à l'arrière de la maison, et regarder le soleil se coucher pendant que notre adorable petite fille joue sur une couverture devant nous. Pour nous délecter de la gloire de la vie magnifique dont Il nous a bénis, en évitant de nous poser la question de savoir pourquoi on ne peut pas la savourer plus longtemps ensemble, et pourquoi Il permet que cela arrive."
Heureuse d'avoir pu passer les fêtes de fin d'année avec sa famille, Joey avait vu son état se dégrader nettement à partir de début janvier, et se préparait pour le grand départ... Fin février, Rory indiquait que ce n'était plus qu'une question de jours : "Elle est prête à arrêter de se battre et me l'a dit, confiait-il. Elle a dit que les fleurs n'allaient pas tarder à éclore dans le Tennessee. C'est le moment de rentrer à la maison." Joey a alors réuni, le 29 février, tous ses proches pour leur dire adieu, un par un, en finissant par sa petite Indy, auquel elle a donné un tout dernier baiser sous le regard empli de larmes de toute la famille. Le temps que Rory en fasse le récit sur son blog, sa femme s'était déjà enfoncée dans "un profond sommeil". Moins d'une semaine plus tard, toujours très entourée, elle rendait son dernier souffle... "et prenait sa première inspiration de l'autre côté", comme l'a écrit Rory. Un "rêve" bien triste qui s'est réalisé.