Johnny Hallyday est mort dans la nuit du 5 au 6 décembre 2017. Lundi 11, sa dépouille a été inhumée dans la plus stricte intimité au cimetière de Lorient à Saint-Barthélemy aux Antilles. Autour de lui, une soixantaine de proches dont son épouse Laeticia et ses quatre enfants : David Hallyday, Laura Smet, Jade et Joy. Quelques jours plus tôt à Paris, un million de fans étaient dans les rues de Paris pour un hommage populaire et une cérémonie à La Madeleine. Un million. Pas mal pour un gamin abandonné par ses parents...
Cet abandon, Johnny Hallyday en parlait en 2011 à Bayon dans un entretien fantastique pour NEXT, l'ancien supplément culture de Libération, que republie Grazia cette semaine. Le rockeur, alors en plein come-back après de graves problèmes de santé fin 2009, évoquait pour la première fois son angoisse de la mort, mais aussi son enfance bouleversée par un père vagabond, Léon Smet : "Quand il est mort, je suis allé à son enterrement à Bruxelles. J'étais tout seul, racontait le rockeur. Il n'y avait personne. Pas un ami. Et j'ai vu que le plus terrible, quand on meurt, c'est quand il n'y a personne. Je crois que la grande solitude, c'est ça." Johnny Hallyday peut reposer en paix, on a rarement vu autant de ferveur et de bienveillance populaire autour de la mort d'un artiste...
Si son père s'est fait la malle quinze jours après sa naissance, sa mère, mannequin chez Lanvin, ne s'est guère occupée de lui non plus et l'a confié à sa belle-famille. "La soeur de mon père [Hélène Mar, NDLR] était mariée à un prince abyssin, – ce que je n'ai appris que plus tard –, ils ne m'envoyaient pas à l'école par peur des représailles, parce que le prince avait été collabo et que ça se savait un peu dans le quartier, en bas de la rue Blanche. Quand j'ai eu l'âge de comprendre, ça m'a choqué." Pour échapper à cette réalité, le très jeune Jean-Philippe Smet s'invente un père américain, territoire dont il rêve déjà : "Mes amis étaient juifs, j'étais très mal à l'aise. C'est pour ça que je me suis inventé un père américain. Pour fuir tout ça." Le futur artiste, encore enfant, devient ensuite très proche de sa cousine Desta, qui est l'épouse d'un véritable Américain, lui : il s'appelle Lee Lemoine Ketcham, et son nom de scène est Lee Halliday. Le couple danse sur scène. Lee devient un père de substitution et surnomme Jean-Philippe Johnny. Quand ce dernier, à 16 ans à peine, chante ses premières chansons, il prendra naturellement le pseudonyme de Johnny Hallyday, avec un y suite à une faute d'orthographe sur son premier 45 tours.
Sa carrière démarre mais est interrompue par son service militaire, à la suite duquel il devra reconquérir son public, une épreuve qui rend humble et représente bien la difficulté de ce métier. Durant l'armée, son père Léon resurgit. "Je vois un bonhomme que je ne connaissais pas, qui se jette sur moi, m'enlace, me sort un ours en peluche de son manteau. Et là, une nuée de photographes prennent des photos. J'ai su le lendemain que mon père s'était fait payer par des paparazzis pour venir faire ça. Double déception de ma vie. Ça m'a secoué."
Des années plus tard, Johnny Hallyday apprend que son père vit dans la misère. Il décide de l'installer dans un appartement et l'habille de la tête aux pieds chez Cerruti. Erreur. "La même nuit, il met le feu [à l'appartement] pour aller dormir à nouveau à l'Armée du salut ; et le lendemain, il retourne chez Cerruti essayer de revendre à moitié prix les costumes que je lui avais achetés. Je me suis dit : 'Il n'y a rien à faire', et j'ai baissé les bras."