Défectueux, mais toujours débonnaire. Poursuivi par les problèmes de santé depuis sa première opération à la hanche, subie en mai 2010, le roi Juan Carlos Ier d'Espagne a largement fait honneur à sa réputation d'homme affable jamais avare d'un bon mot à l'heure de retourner à l'hôpital et de repasser sur la table d'opération. L'athlète qu'il fut n'est plus, contraint depuis de longs mois de s'aider de béquilles et sujet aux chutes et aux malaises, mais le bon vivant se porte toujours comme un charme.
Mardi 24 septembre 2013, le monarque ibérique, âgé de 75 ans, a fait son retour au CHU Quiron de Pozuelo de Alarcon (banlieue de Madrid) moins d'un an après y avoir subi - en novembre 2012 - une arthroplastie à la hanche gauche, en raison d'une infection qui nécessite le remplacement de sa prothèse. Malgré la cadence relativement inquiétante de ses hospitalisations (la dernière en date - la treizième de sa vie -, en mars dernier, concernait une hernie discale), Juan Carlos Ier affichait une décontraction à toute épreuve la veille, abordant le sujet de manière métaphorique et humoristique : "Demain, je retourne en réparation", a-t-il lancé avec amusement aux quelques journalistes témoins de l'audience accordée aux présidents des deux chambres du Parlement marocain, le président de la chambre basse, Karim Ghellab, et celui de la chambre haute, Mohamed Cheikh Biadillah. Et d'ajouter, dans le même esprit : "Vous pouvez venir faire les mécaniciens."
Et à son arrivée en voiture à l'établissement médical, baissant sa vitre pour saluer la presse et les curieux, le roi offrait encore aux regards un visage serein et souriant. Physiquement diminué par cette infection depuis septembre dernier et visiblement fatigué depuis plus longtemps (depuis son scandaleux accident de chasse à l'éléphant au printemps 2012 au Botswana, où il s'était précisément cassé la hanche, son état de santé préoccupe les observateurs), il s'était toutefois acquitté de nouveaux engagements avant son hospitalisation, recevant le matin même les lettres de créances de 16 ambassadeurs étrangers au palais de la Zarzuela.
L'opération, pratiquée mardi en fin de journée, s'est déroulée sans complication, sous la direction du docteur Miguel Cabanela, un chirurgien espagnol spécialisé dans la hanche et le genou, qui exerce aux Etats-Unis à l'hôpital Mayo de Rochester, dans le Minnesota, ainsi que l'avait indiqué vendredi dernier le service de presse du palais. Lors du bulletin médical consécutif à l'intervention, l'hôpital Quiron a fait savoir mercredi matin que le souverain avait quitté l'unité de soins intensifs et que son état évoluait "de façon très satisfaisante". Il a été également précisé que la prothèse de la hanche qui lui a été posée n'est que provisoire, et qu'une nouvelle opération pour la pose d'une prothèse définitive devrait avoir lieu dans huit semaines au minimum. Après quoi, Juan Carlos Ier devrait avoir besoin de six semaines pour marcher à nouveau correctement - ce qui ne devrait donc pas arriver, dans le meilleur des cas, avant la mi-janvier 2014. D'ici là, son fils et héritier le prince Felipe, secondé par son élégante épouse Letizia, devrait le suppléer comme il a pris l'habitude de le faire. Notamment pour la Fête nationale le 12 octobre et le sommet ibéro-américain au Panama la semaine suivante.
Le prince Felipe, justement, n'a pas manqué de visiter son père à l'hôpital Quiron, avec la princesse Letizia et le reine Sofia, tous trois rejoints par l'infante Elena et la ministre de la Présidence et porte-parole du gouvernement espagnol Soraya Sáenz de Santamaría. Une visite émaillée d'un incident insolite, lorsqu'un individu nu comme un ver a surgi alors que la reine Sofia pénétrait dans l'établissement. Lui tournant le dos, l'épouse du souverain ne semble pas l'avoir remarqué. L'illuminé, qui a dit se nommer Carlos Diaz Fernandez et qui hurlait "non aux crimes secrets de la CIA", a rapidement été maîtrisé par la sécurité, et évacué dans une voiture des forces de l'ordre. Il avait au préalable adressé un e-mail singulier aux médias, dénonçant des "crimes secrets commis par la CIA contre des Espagnols, ordonnés par le président Obama" et joignant un lien pointant vers son site Internet, "Le sac à dos rempli de secrets du président (Mariano) Rajoy".
Présente auprès du patient royal dans la soirée de mardi, la famille est venue aux nouvelles auprès de lui dès le mercredi matin, la reine et le couple héritier arrivant séparément, mais aussi très détendus, de bonne heure. Il faut dire que la princesse des Asturies avait ensuite rendez-vous à la Zarzuela. Même la princesse Cristina, qui s'est installée avec ses quatre enfants depuis le mois d'août en Suisse, à Genève, pour ses activités au sein de la Fondation La Caixa, s'est déplacée au chevet de son père. Son époux Iñaki Urdangarin, indésirable en raison de ses démêlés avec la justice, n'est en revanche évidemment pas apparu, préparant en toute discrétion à Barcelone son procès pour détournement de fonds.