Dans Ma part du gâteau, qui sort mercredi 16 mars dans toutes les salles de cinéma françaises, Karin Viard joue le rôle d'une mère de famille, ouvrière au chômage qui déménage et se convertit en femme de ménage d'un riche trader parisien (Gilles Lellouche). Tout à fait géniale en femme candide, l'actrice de 45 ans rayonne d'une belle maturité. A l'occasion de la sortie du film, penchons-nous sur le parcours riche et chamarré d'une actrice haute en couleurs.
Karin Viard est une actrice qui touche les gens. On s'identifie à elle, car elle a une palette suffisante pour convaincre dans tous les personnages qu'elle incarne. En vingt et un ans de carrière, la belle Rouennaise a été nommée à sept reprises aux Césars entre 1993 et 2011 ! Libre et malléable, elle s'illustre tout autant en haut de l'affiche que dans des seconds comme des premiers rôles atypiques qui pimentent les oeuvres les moins salées. Si on lui demande sa plus grande force, l'actrice répond, comme elle l'a fait à Télérama : "Ma capacité de travail". Personne ne semble en mesure de la contredire.
Mêler les genres
Difficile de revenir sur la carrière déjà très riche de Karin Viard sans se risquer à une liste exhaustive de films dans laquelle elle apparaît (et brille, le plus souvent). Elle marque pour la première fois les esprits en 1991 dans Delicatessen de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro, où elle obtient un modeste rôle de fille pulpeuse. Elle glane deux ans plus tard une nomination comme révélation aux Césars pour son rôle dans La nage Indienne, de Xavier Durringer. Elle y incarne la tête d'affiche d'un manège à trois têtes (avec Gérald Laroche et Antoine Chappey) qui oscille entre amour et amitié. A 23 ans, sa carrière est lancée.
La comédienne est à nouveau à croquer dans Les Randonneurs de Philippe Harel, avec Benoît Poelvoorde et Vincent Elbaz. Son personnage, à la fois maladroit et sexy remporte les suffrages comiques du film sorti en 1997, et lui permet d'être à nouveau nominée aux Césars, dans la catégorie meilleure actrice dans un second rôle. Déjà, on note chez l'actrice une volonté de mêler les genres, et la peur de se laisser enfermer dans un type de rôle. Tantôt drôle, tantôt touchante, Karin Viard vagabonde au gré de ses envies et échappe aux clichés. Comme dans La Nouvelle Eve de Catherine Corsini (1999) où elle incarne Camille, prête à tout pour conquérir l'homme (marié) qu'elle aime. Le changement de millénaire lui apporte le coup de projecteur tant attendu.
Une actrice qui joue comme elle vit
En 2000, Solveig Anspach lui offre le rôle qui la consacre définitivement avec Haut les coeurs ! Interprétant avec une justesse incroyable une jeune femme qui apprend simultanément qu'elle attend un enfant et qu'elle est atteinte d'un cancer, Karin Viard éblouit les spectateurs. Ici, point de glamour. La comédienne va même jusqu'à se raser la tête pour le réalisme de sa partition et décroche à juste titre le César de la meilleure actrice cette année-là. Enceinte durant le tournage, Karin Viard s'identifie beaucoup à son personnage, comme souvent.
Dans de nombreuses créations, Karin Viard joue des personnages en apparence ordinaire, et elle le fait à la perfection. Elle remporte le César du meilleur second rôle féminin en 2002 pour Embrassez qui vous voudrez, de Michel Blanc, comédie où elle excelle en française middle-class qui jalouse son amie bourgeoise. Dans Le Rôle de sa vie, où elle donne la réplique à Agnès Jaoui, l'interprète incarne une journaliste effacée, timorée. Elle exhibe un physique très sobre, presque froid, jusqu'à sa voix feutrée, qui est en décalage total avec sa bonne humeur, sa décontraction, et sa facilité à sourire dans la vie.
L'humour et l'amour comme moteurs
Simple, naturelle, sensible, Karin Viard préfère travailler dans la confiance plutôt que dans force. Femme extrêmement active, mère de deux adolescentes, ses rôles peuvent parfois la mettre dans la peau d'une femme coincée, alors qu'elle est tout l'inverse. Employée à contre-emploi dans Le Bal des Actrices dans un rôle de comédienne qui veut réussir aux USA car la France est "trop petite pour elle", on acquiesce. Tout comme dans son rôle de bourgeoise coincée dans Les Invités de mon père, et celui, tout en exagération dans Potiche de François Ozon, qui lui a valu une nouvelle nomination aux Césars. En 2011, on peut aussi voir la jolie quadragénaire dans le carton de ce début d'année, Rien à déclarer, qui culmine déjà à près de 8 millions d'entrées. Par ailleurs, elle déclarait dans le numéro d'avril de Studio CinéLive avoir refusé le rôle dans Il y a longtemps que je t'aime, trouvant qu'elle aurait "moins collé au manque d'humour de certaine situations" que Kristin Scott Thomas.
Mais elle peut aussi glaner la nomination aux Césars en jouant une boulangère réac' comme dans Paris (2008), sa dernière collaboration en date avec Cédric Klapisch avant Ma part du gâteau. Karin Viard avait déjà travaillé avec Klapisch dans Riens du tout (1992), dans lequel le réalisateur lui avait créé un rôle pour pouvoir la prendre. C'est dire leur complicité, surtout qu'elle a avoué à Télérama adorer travailler avec le réalisateur de L'Auberge Espagnole.
Dans Ma part du gâteau qui sort ce mercredi dans les salles obscures de France, Karin Viard donne du punch et de la profondeur à un personnage plus vrai que nature. Comme la Madame-tout-le-monde d'exception qu'elle est depuis près de trente ans ! Retrouvez les photos de ces prestations au cinéma ci-dessus.
Clément Razgallah