Des productions savamment chiquées hantées par une voix élégamment hallucinogène : il ne faut que quelques mesures pour reconnaître la signature de Keren Ann, qui lançait en novembre dernier le mystérieux et mystifiant compte à rebours menant au dévoilement de son sixième album, attendu le 28 février : 101.
Quelle réalité, quelle dimension recèle ce nombre troublant, happant ? Faut-il l'associer à un clin d'oeil improbable en direction de ce mythique concert de Depeche Mode au Rose Bowl de Pasadena, en 1988, qui donna lieu à un film du spécialiste du genre Donn Alan Pennebaker ? Faut-il chercher sa symbolique du côté de l'incroyable et fondamental roman d'anticipation de George Orwell 1984, dans lequel "la chambre 101" située au sein du Ministère de l'Amour, paroxysme de la civilisation du Big Brother, constitue le stade ultime de la torture, mettant le supplicié aux prises avec son pire cauchemar, connu des dépositaires du pouvoir ?
Le mysticisme accompagne ce nouveau projet de la transcendante Israélienne au gré des 101 visuels dévoilés au jour le jour depuis le 19 novembre sur le site dédié (101kerenann.tumblr.com) par l'artiste graphique John Mavroudis, qui marqua les commémorations du 11 septembre en signant pour le New Yorker une couverture désignée réalisation de l'année par les professionnels sur le site dédié. Chacun de ces dessins, pensé d'après un fragment du single-titre 101, s'accompagné d'un mot clé et d'un enregistrement de la voix de la chanteuse le prononçant, produisant une manière de fresque composite et évolutive. Un saisissant concept kaléidoscopique qui empoigne l'imaginaire et amalgame dimensions politique, esthétique, métaphysique, humaniste, le tout dans un rapport charnel à l'image et au son : le genre de démarches qui surprend sans surprendre, de la part d'une artiste versée dans l'art de la finesse et du mystère. La magie du nombre.
Après les accents rock de son précédent album éponyme paru en 2007, on entre dans - la pièce ? - 101 de Keren Ann avec My name is trouble, un premier extrait (à remixer à volonté en cliquant ici) qui est également le titre d'ouverture de l'album. Précieusement secoué-bercé par des effluves estompées de synthpop sur une ligne de basse sagement groovy, ce morceau est sublimé par la partie vocale, lancinante et dessinée en phrasés majestueux, alanguis sans être pesants. De la pure orfèvrerie accompagnée par un clip chorégraphié (à découvrir en cliquant ici) saisissant de sobriété et chic d'une noirceur envoûtante dont on sait la chanteuse régulièrement adepte.
Tracklisting de l'album 101 :
1- My Name Is Trouble
2- Run With You
3- All The Beautiful Girls
4- Sugar Mama
5- She Won't Trade It For Nothing
6- You Were On Fire
7- Blood On My Hands
8- Song From A Tour Bus
9- Strange Weather
10- 101
G.J.