C'est un rapport qui a fait l'effet d'une bombe à l'échelle de l'association Emmaüs, mais également à l'échelle du pays, tant l'abbé Pierre est aimé et populaire auprès des Français. Le 17 juillet dernier, Emmaüs international a publié un rapport dans lequel 7 femmes assurent avoir subi des gestes déplacés, voire des agressions sexuelles de la part de l'ancien prêtre, décédé en 2007 à Paris, à l'âge de 94 ans. Depuis, le chiffre est encore monté puisqu'une huitième femme a ajouté son témoignage aux allégations portées contre le fondateur d'Emmaüs. Cette dernière révèle ce qu'il aurait fait et avoue l'avoir giflé lors d'une prise de parole sur l'antenne de France Inter.
"Il s'est levé, il a marché, il m'a agrippé les deux seins", alors qu'il était "en pleine possession de ses moyens", a révélé l'infirmière, avant de répliquer en giflant l'abbé Pierre. "Il répond qu'il était vieux, qu'il était fatigué, qu'il avait besoin de se tenir", a poursuivi celle qui n'a pas voulu donner son identité, mais qui a travaillé dans un hôpital militaire francilien ayant pris en charge l'abbé Pierre en 2006. Des langues qui se délient autour des agissements de l'homme de foi, comme ce fut le cas de son neveu, qui s'est exprimé sans détour sur l'affaire. Une réaction d'Alain Grouès, prévenu "quelques heures avant la publication" du rapport qui incrimine son oncle et qui n'a pas hésité à répondre sans filtre. "L'émotion et le choc étaient immenses mais ses pensées se sont immédiatement portées sur les victimes et sur leurs douleurs", a indiqué Tarek Daher, délégué général d'Emmaüs France à la Tribune du dimanche.
Mais visiblement, si beaucoup de monde tombe des nues face aux graves accusations qui touchent l'abbé Pierre, certaines personnes étaient au courant des faits depuis très longtemps. C'est en tout cas ce que soutient Arnaud Gallais, cofondateur de l'association de lutte contre les violences faites aux enfants Mouv'Enfants, dans une interview accordée à Libération. "C'est bien de dire aux victimes qu'on les croit, mais cela ne suffit pas quand on apprend que le diocèse de Grenoble avait l'information, tout comme Martin Hirsch, longtemps à la tête d'Emmaüs France, ou le directeur du lieu de mémoire de l'abbé Pierre à Esteville", lâche-t-il.
À en croire Arnaud Gallais, Martin Hirsch serait donc au courant depuis longtemps des faits reprochés à l'abbé Pierre. Ce dernier est loin d'être un inconnu puisqu'après avoir été président d'Emmaüs de 2002 à 2007, il a intégré le gouvernement de François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy l'année de son départ de l'association. Haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté et à la Jeunesse, l'homme de 60 ans aujourd'hui est resté en poste près de 3 ans, avant de devenir directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (APHP) de 2013 à 2022.