L'écrivain, scénariste et homme politique espagnol Jorge Semprún est décédé à son domicile parisien à l'âge de 87 ans, ont rapporté plusieurs médias espagnols ce mardi 7 juin en toute fin de soirée.
L'information a été donnée notamment par la radio Cadena Ser et le journal El Mundo, qui citent des sources au ministère espagnol de la Culture. Au micro d'Europe 1, le réalisateur Costa-Gravas, qui était l'un de ses proches, a confirmé l'information.
Né en 1923 à Madrid, Semprún a quitté l'Espagne en 1936, sa famille s'exilant au début de la guerre civile espagnole. Pendant la guerre, il s'engage dans la résistance française et adhère au Parti communiste espagnol. Arrêté par les Allemands, il est envoyé au camp de Buchenwald où il survit jusqu'à sa libération par les troupes américaines, en 1945.
Auteur notamment de La deuxième mort de Ramon Mercader qui lui valut le prix Femina, et de L'écriture ou la vie, il était entré en littérature et n'écrira que des ouvrages autobiographiques.
Il s'est longtemps interrogé : Français ? Espagnol ? Héros et antihéros ? Jorge Semprún a fait pendant trois ans l'expérience du pouvoir, de 1988 à 1991, comme ministre de la Culture dans le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez. Homme de double culture, il était peut-être le plus à même de veiller à la bonne place de l'Espagne dans le concert européen. Déçu car décrié pour ses opinions tranchées par certains compagnons de Felipe Gonzalez, Jorge Semprún est retourné à sa vie de simple citoyen, partagée entre la France et l'Espagne.
Mais c'est son aventure au cinéma qui lui permet d'assurer la transition entre le militant et l'écrivain. En lui commandant le scénario de La guerre est finie, Alain Resnais l'aide à changer de peau. De cette époque date sa rencontre avec Yves Montand. Une profonde amitié va naître à travers leur communisme sceptique et leurs illusions perdues. Une étroite collaboration va aboutir aux trois grands films de Costa-Gavras qui sont : L'Aveu , Z et État de siège.
En 1996, il est élu à l'Académie Goncourt. Il n'a pas pu entrer à l'Académie française car il a conservé la nationalité espagnole. En 2004, il a reçu le Prix Ulysse pour l'ensemble de son oeuvre. Le 30 novembre 2007, il a reçu les insignes de docteur honoris causa de l'Université Rennes 2 Haute Bretagne.
Nous reviendrons plus longuement demain sur la vie et l'oeuvre de ce grand bonhomme, qui avait déclaré dans une interview à l'Express en mai 2010 : "Quand on me demandait mon identité, j'utilisais cette formule qui résume bien la situation : je ne suis ni espagnol, ni français, ni écrivain, je suis un ancien déporté de Buchenwald."