De tous les titres qu'elle a reçus au fil de ses trois mariages dans la haute société, c'est très certainement celui de belle-mère détestée de Lady Di qui aura le plus marqué les esprits : Raine Spencer, née McCorquodale et qui fut l'épouse de John Spencer de 1976 à 1992, est morte à l'âge de 87 ans vendredi 21 octobre 2016 à Londres des suites d'une brève maladie, selon une annonce faite par son fils aîné, William Ledge, 10e duc de Dartmouth.
Enfant unique de la célébrissime romancière Barbara Cartland (décédée en 2000) et d'Alexander McCorquodale (décédé en 1964), officier de l'Armée et héritier d'un empire dans l'imprimerie auquel l'auteure ne fut mariée que de 1927 à 1933 avant d'épouser (au terme d'un divorce houleux sur fond de tromperies) son cousin Hugh, Raine McCorquodale avait fait dans les années 1940 une entrée remarquée dans les hautes sphères londoniennes, élue à 18 ans "Débutante de l'année" et promise à un comte, l'honorable Gerald Humphry Legge. Leur mariage a lieu le 21 juillet 1948 et produira quatre enfants : William (héritier du titre de comte de Dartmouth dont son père avait lui-même hérité en 1962), Rupert, Charlotte et Henry. Rapidement en vue dans la bonne société, Lady Raine Dartmouth s'introduit dans la vie politique et entre, à 23 ans, au Conseil de la Cité de Westminster, où elle siégera pendant 17 ans, endossant même d'autres responsabilités en parallèle (environnement, patrimoine immobilier...).
En 1973, Raine se met justement à fréquenter intimement un collègue au sein d'un comité de préservation du patrimoine architectural : John Spencer, Lord Althorp, seul après avoir été quitté en 1969 par Frances Ruth Roche, avec qui il a eu quatre enfants, dont Diana, née en 1961, et Charles, né en 1964, tous deux sous sa garde. Cette liaison conduit au divorce, en 1976, de Raine et Alexander McCorquodale ; sitôt divorcée, elle épouse en secondes noces, le 14 juillet de la même année, Lord Spencer. Une union clinquante (le couple menait grand train, organisait de nombreuses fêtes mondaines et voyageait beaucoup) loin de faire le bonheur des enfants de monsieur, lesquels (âgés de 21 à 12 ans au moment du mariage) n'apprécient guère leur nouvelle belle-mère, au point de la surnommer "Acid Raine" (un jeu de mots : "pluie acide", en français). Lors du premier Noël de la famille recomposée, Diana et Charles lui offrent un livre : une biographie de Marie-Antoinette. On sait comment elle a fini...
Ce n'est pas le seul motif de discorde : le goût douteux - la vulgarité, pour parler crûment - de la nouvelle Lady Spencer en matière de rédécoration du fief séculaire de la famille, Althorp Park, au prix du sacrifice d'un certain nombre de trésors (terres, oeuvres d'art, objets et documents) vendus pour financer le chantier et l'entretien des lieux, sont vivement désapprouvés dans l'opinion publique. Ce qu'ona moins dit, en revanche, obnubilés par l'antipathie suscitée par ce personnage extravagant, c'est qu'Althorp était un gouffre financier et que Raine a oeuvré des années durant avec nombre d'organismes attachés à la promotion de la Grande-Bretagne comme destination touristique. A la mort de Lord Spencer en 1992, Raine, qui s'était dévouée à le soigner quatorze ans plus tôt après l'hémorragie cérébrale dont il avait été victime en 1978, ne tarde pas à débarrasser le plancher : les relations avec son beau-fils, Charles Spencer, héritier de son père et du domaine, dont il assure aujourd'hui encore la gestion, étaient par trop exécrables. La rumeur veut que ses vêtements aient été mis dans des sacs poubelle par les domestiques et que Charles l'ait empêchée d'emporter du mobilier si elle n'était pas en mesure d'en produire une preuve d'achat... Et puis, elle pouvait se le permettre, grâce au legs de son défunt époux : 4 millions de livres et une maison de ville dans le quartier chic de Mayfair, à Londres.
Cette fois encore, elle ne restera pas longtemps célibataire : en juillet 1993, Raine convole pour la troisième fois et ajoute encore un titre à sa collection, se mariant avec le comte Jean-François Pineton de Chambrun, descendant du marquis de La Fayette, après seulement 33 jours de relation ! Elle n'arrange pas sa réputation en vendant les photos du mariage à l'hebdomadaire du gotha, Hello!, pour 70 000 livres. Aucun de ses beaux-enfants n'y a assisté, évidemment - sa propre mère non plus, d'ailleurs. De toute façon, l'union ne durera guère : en 1995, c'est le divorce et elle abandonne son nom d'épouse pour reprendre celui de Raine, comtesse Spencer.
Malgré le passif familial, les relations entre Raine et la princesse Diana semblaient s'être apaisées avec le temps - en fait, à mesure que la princesse de Galles s'éloignait de la couronne, elle se rapprochait de Raine. C'était en tout cas ce qui ressortait de lettres issues de leur correspondance privée mises en vente en 2012 et qualifiées de "chaleureuses" et "affectueuses".
Le comte Jean-François Pineton de Chambrun, du temps de leur mariage, s'était même étonné, dans une lettre adressée au Times, des récits faits dans la presse de la supposée antipathie entre Raine et Diana. Lui racontait à l'inverse une franche complicité, comme lors d'un repas de famille où Diana aurait dit à sa belle-mère : "Merci beaucoup d'avoir donné tant d'amour à mon père pendant toutes ces années." Avant de la prendre dans ses bras et de l'embrasser chaleureusement.
En 2007, la belle-mère avait été amenée à témoigner dans le cadre de l'enquête sur la mort tragique de sa belle-fille, assurant que cette dernière était "folle amoureuse" de Dodi et qu'elle allait probablement l'épouser. Raine avait alors confié que Diana venait souvent la voir à l'improviste et déjeuner avec elle. C'est même au cours de l'un de ces déjeuners, en 1996 chez Harrods avec Mohamed al-Fayed, qu'elle aurait décroché son poste de directrice de Harrods International Ltd., Diana ayant suggéré avec humour devant le milliardaire et patron de l'enseigne anglaise que sa belle-mère avait besoin d'un travail.
Aimée ou détestée, Lady Raine a marqué l'histoire de l'aristocratie anglaise de son empreinte.