A quelques jours de son face à face avec le Président Nicolas Sarkozy (lundi 25 janvier 2010), Laurence Ferrari prend position. La journaliste de TF1, qui a réussi à ne jamais fléchir dans les vents violents des critiques assassines lors de son arrivée JT de 20 heures, savoure enfin sa légitimité sur la chaîne.
Un constat difficile à contester à la lecture de l'excellent portrait de Luc le Vaillant paru dans le journal Libération de ce jour. La blonde quadragénaire a visiblement insisté pour être croquée par Libé et le résultat est... intéressant. Derrière cette blonde au sourire (parfois) crispé, se cache une "brune à poigne" méconnue du grand public. Loin de la frivolité d'une gentille Flavie, mais pas encore adhérente au rigorisme d'une Chabot, Laurence trouve sa marque dans ce milieu, en imprimant sa propre empreinte. Cordiale voire sympathique, cette maman de deux adolescents tutoie ses intervieweurs, avec naturel ; jamais ses interviewés : le professionnalisme prime toujours.
Portrait de cette femme que 9 millions d'entre vous regardent quotidiennement... sans jamais la connaître.
F comme... Féministe. Les femmes sont sous-représentées à la télévision, mais Laurence entend bien inverser la tendance. A croire le journal Libé, la charmante blonde est une "féministe autoproclamée". Mieux qu'une simple égalité ou qu'une judicieuse équité, la journaliste entend réclamer "la supériorité du deuxième sexe". Elle estime naturellement que les femmes sont "supérieures dans l'épreuve, la confrontation, l'adversité". Difficile de lui donner tort lorsque l'on se rappelle de l'épreuve du feu qu'elle a subie avec courage en 2008, lorsqu'elle semblait avoir "tué le père", incarné par PPDA. Malheureusement, Laurence est, elle aussi, victime du diktat tacite de merveilleux monde salarial qui condamne la femme à gagner moins pour travailler autant (si ce n'est plus) : Libération annonce ainsi "qu'elle gagne deux fois moins que les 100 000 euros de Poivre. Ce qu'elle refuse de confirmer, histoire de ne pas s'aliéner la ménagère de proximité". Symbole du modernité, emprisonnée dans un contexte obsolète, Laurence avance malgré tout, aidée d'une forte expérience qui l'a endurcie.
E comme... Emancipée. Lorsqu'elle quitte TF1 en 2006, Laurence part vers de jours meilleurs sur Canal +. La chaîne cryptée lui fait les yeux doux et lui donne ce qu'elle n'avait pas jusque là sur la Une : la liberté. Enivrée de ce nouveau sentiment, la voilà qui se lance dans un magazine politique, Dimanche +, dans lequel on la découvre pugnace et métamorphosée. La gentille binôme (et qui deviendra l'ex-femme) de Thomas Hugues dans 7 à 8 s'approprie enfin le travail de journaliste et est reconnue comme telle. Faisant exploser le carcan du bien-pensant trop étouffant pour elle, elle savoure cette évolution : "Son passage par Canal + l'a émancipée, glamourisée" écrit Libération.
R comme... Résistante. Sa présence ici est la preuve de son extrême résistance : loin d'attaquer pour mieux se défendre, sauf atteintes à sa vie privée, Laurence encaisse les coups. Boxeuse métaphorique, elle a accepté avec les frappes portées à son intégrité journalistique lorsqu'il était évoqué une certaine cooptation (on n'en dira pas plus, Laurence est procédurière...) avec le Président. Malgré ces uppercuts violents, elle n'a pas sombré dans le K.O. Et le résultat est là : aujourd'hui, elle est la seule maîtresse à bord et cela, elle le doit à ces coups qui l'ont endurcie.
R comme... Rigolote. Pas rigolote comme sa semblable capillaire Virginie Efira qui nous a fait pleuré (de rire ?) avec Canal Presque, mais amusante, divertissante, naturelle, légère. On découvre dans Libé que, bien que journaliste professionnelle incontestable, elle est également capable de nous proposer des milkshakes lexicaux à base d'expressions et de néologismes goûteux comme lorsqu'elle évoque sa non-envie de "[s]e faire jambonner". Intéressante la Laurence... Bernard Pivot appréciera. Heureusement que cette tendance argotique n'est imputable qu'à la présence d'une progéniture adolescente et n'altère en rien son sérieux. Sinon, ses rêves d'ambition pourraient s'évaporer.
A comme... Ambitieuse. C'est là la trame de l'article de Libération. Laurence est ambitieuse et c'est bien grâce à cela qu'elle est où elle en est à l'âge qu'elle a. Loin d'être effrayée par des obstacles lui empêchant d'accéder à ses buts (le fameux plafond de verre), Laurence est une fonceuse. Arriviste diraient certains, "brune à poigne pour d'autres". Une journaliste témoigne dans le journal : " Le plafond de verre, elle ne connaît pas. Ça a l'air d'être une blonde qui sourit, en fait c'est une brune à poigne. Elle est en acier trempé. Et, elle est sans complexe dans le plaisir qu'elle prend à y arriver". De son côté, son ami et collègue Nikos Aliagas la qualifie : "C'est un soldat, c'est une courageuse".
R comme... Réservée. Certains la jugent lisse et adepte d'un ton aseptisé depuis son grand retour sur TF1. En réalité, la journaliste est surtout sciemment réservée. Certes, il est de notoriété publique qu'elle a divorcé de Thomas Hugues, qu'elle a deux enfants et qu'elle s'est récemment mariée au violoniste Renaud Capuçon, mais ceci mis à part : Laurence ne s'épanche pas sur sa vie privée, familiale (elle est l'aînée d'une fratrie de trois soeurs), ni sur ses convictions politiques. Le journal évoque toutefois une éventuelle tendance politique lorsqu'il est raconté que Laurence "porte la contradiction à l'élu de droite quand elle s'éveille à la politique", l'élu qui n'est autre que son père, qui a été maire d'Aix-les-Bains. Mais ce sujet, et tout ce qui touche à la sphère privée, Laurence ne veut pas l'aborder car elle ne fait pas son métier pour cela : "Seuls les artistes laissent des traces. [...] On ne laissera rien derrière nous et c'est tant mieux". Notons que son père avait lui-même donné une interview sur les conditions de la mort de la mère de Laurence quand cette dernière avait 23 ans : la journaliste, refusant les projecteurs sur cette affaire, a assigné ceux qui en ont parlé...
I comme... Intelligente. C'est bien la raison de sa présence à l'antenne. Enthousiaste dans son travail, elle n'a pas hésité à réformer (en douceur) le journal qu'elle dirige désormais en multipliant notamment les déplacements ; scrupuleuse, Laurence s'assure de cadrer ses interventions publiques. Si elle est cordiale en interview, elle n'en reste pas moins consciente des propos qu'elle tient : vous ne la surprendrez pas dans l'exercice (jubilatoire) de la critique gratuite sur autrui. Elle connaît le métier... et les risques associés à trop se confier à un confrère. De ce fait, c'est avec subtilité et intelligence qu'elle garde le contrôle de son image et de ses paroles. Libé analyse : "Cette manière d'empoigner les questions attendues ne vaut pas pour autant ouverture en grand des portes et des fenêtres. Derrière la bonhommie affranchie, l'écran de contrôle reste en veille."
Laurence Ferrari n'a pas que le nom d'une petite perle de la route... elle en a aussi le moteur : ambitieuse et intelligente, elle a su désarmer le plus indéboulonnable des têtes d'affiches de TF1. A 43 ans, elle a tout d'une grande et le prouvera certainement une fois encore lors de son face à face avec le Président Nicolas Sarkozy, une première, lundi prochain. En voyant son parcours, elle peut l'annoncer avec fierté : Veni, vidi, vici (je suis venue, j'ai vu, j'ai vaincu).
Ave César... ou plutôt Ave Laurence.
Allyson Jouin-Claude