La parole des femmes se libère dans l'industrie cinématographique. Aujourd'hui, elles sont de plus en plus nombreuses à dénoncer les faits de violence sexuelle ou morale qui ont pu avoir lieu lors des tournages. C'est le cas des collaboratrices de Joachim Lafosse.
Le cinéaste belge, qui vient de sortir son dernier film intitulé Un silence, avec Daniel Auteuil et Emmanuelle Devos, est aujourd'hui au coeur d'une vive polémique. Plusieurs femmes qui ont travaillé avec lui sur des plateaux de tournage dénoncent ses sombres méthodes de travail qui favoriseraient un environnement toxique. Pire encore, il est accusé de harcèlement moral et sexuel.
Parmi ces femmes, on retrouve la monteuse Sophie Vercruysse, qui a travaillé avec le cinéaste Joachim Lafosse de 2004 à 2015. Des années de collaboration et des "cicatrices laissées dans mon cerveau" confie-t-elle à nos confrères de Libération dans leur numéro du 11 juin 2024. Mais cette artiste n'est pas la seule à prendre la parole. Virginie Efira est également sortie du silence.
Dans les colonnes du quotidien, l'actrice est revenue sur sa collaboration avec Joachim Lafosse, sur le tournage du film Continuer, sorti en 2019. Un souvenir qu'elle aurait préféré oublier : "Ce fut probablement l'un des pires tournages de ma vie". La raison de cet échec ? Le réalisateur se montrait très autoritaire envers son équipe, la poussant à bout.
"Il essayait de me parler, je courais en disant, je ne peux pas te voir, je ne peux plus te voir ! C'était un des tournages les plus drôles dans le pathétisme. J'avais 40 ans, il ne pouvait absolument pas me virer, je suis actrice déjà placée. Il m'a poussé à bout, mais tout le monde était contre lui, les producteurs n'en pouvaient plus".
Virginie Efira décrit le réalisateur comme "quelqu'un qui n'a accès qu'à une seule réalité, la sienne, incapable de se remettre en question, et une sorte de moteur viscéral à vouloir faire surgir la déstabilisation chez l'autre. À générer le conflit pour se sentir vivant, et probablement pour créer", puis ajoute : "Il va aller dans l'endroit de la transgression, pour vous mettre dans tous vos états, pour que vous soyez déstabilisée, infériorisée, en colère."
De son côté, Joachim garde un bon souvenir de sa collaboration avec l'actrice belge. Une relation qu'il décrit comme étant "cordiale et respectueuse".
Sophie Vercruysse, Virginie Efira, mais aussi d'autres femmes, accusent aujourd'hui le cinéaste de harcèlement sur les plateaux de tournage. Parmi les autres artistes qui ont pris la parole, il y a également Vania Leturcq, qui a commencé en tant que première assistante de réalisation de Joachim Lafosse, sur le long métrage Ça rend heureux. À l'époque, elle avait 21 ans (contre 41 aujourd'hui) et le cinéaste l'aurait dénigrée aux yeux de tous : "Il m'a crié devant toute l'équipe : tu es transparente ! Tu n'existes pas !"
De son côté, la seconde assistante de réalisation, Valérie Houdart, à l'époque âgée de 23 ans, accuse le réalisateur de faits pouvant s'apparenter à une agression sexuelle, et compte porter plainte : "Joachim me plaque dans un coin, entre un mur et une porte, et m'embrasse". Une accusation de plus, que le principal concerné continue de nier.
Si ces multiples témoignages relatent des faits différents, toutes ces artistes pointent du doigt un même constat : le sentiment d'angoisse permanent qui régnait lors des tournages, comme la jeune scripte Émilie Flamant : "Tous les postes clés ont pleuré sur ce film" (Élève libre, NDLR).