Inséparables et complices, telle est l'image que donnaient encore la semaine dernière sur le tapis rouge de la 6e édition du Festival Cinéroman à Nice Alexandra et Audrey Lamy. Deux soeurs, qui n'ont rien de jumelles puisque 10 ans exactement séparent l'aîné de sa cadette, mais qui ont pourtant d'innombrables points communs, bien moins anecdotiques que celui d'avoir refusé de jouer ensemble dans une célèbre série... À commencer par leurs carrières. Formées toutes les deux au conservatoire, Alexandra, à Nîmes, et Audrey, au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique, les deux soeurs ont été révélées au grand public par deux séries. Un gars, une fille, aux côtés de Jean Dujardin qui deviendra le mari, de la première. Et Scènes de ménages, sur M6 pour la seconde. Désormais ces feuilletons sont derrière elles et c'est sur grand écran qu'on peut observer leur talent, ainsi qu'en atteste leur présence à Nice où chacune venait défendre un film.
Ce succès familial, pour deux raisons, était pourtant loin d'être gagné. Si Alexandra Lamy est née dans le Val-de-Marne, c'est dans le sud de la France, à Alès, qu'elle a grandi. Elle en a hérité une caractéristique locale : l'accent du Midi. Une particularité charmante, sauf lorsqu'on veut exercer certains métiers, celui de présentateur télé ou... de comédien, sous peine d'être condamné à toujours jouer le méridional de service. C'est ce qui aurait pu arriver à Alexandra. Lors de ses premières auditions, à Paris, elle avait du mal à cacher ses origines gardoises. En décembre 2012, dans En Aparté, elle avait confié que ce signe distinctif régional "faisait marrer les directeurs de castings", d'autant que lorsqu'elle jouait, l'accent n'était plus audible. Une prouesse technique qui ne s'était pas faite sans mal et qui avait demandé du travail...
Audrey, elle, a vu le jour à Alès, mais n'a paradoxalement jamais eu de problème d'accent. Peut-être parce qu'elle a fait ses études à Paris. Il n'empêche, elle sait retrouver ses racines méditerranéennes quand il le faut. En 2021, sur Instagram, elle avait ainsi publié trois vidéos hilarantes, en utilisant un filtre qui la faisait apparaître maquillée à l'extrême et les lèvres ultra gonflées. "Je fais ce que je veux, ok ? Tu as compris ? C'est mon corps, mon visage, ma bouche, d'accord ? Donc les messages haineux que je reçois sur mon Instagram, je m'en carre. Voilà. D'accord ?" lançait-elle face caméra en prenant l'accent de sa région natale. "Une vraie cagole de Marseille", avaient commenté les internautes.
Au final, ce qui aurait pu constituer un obstacle à leur carrière ne posera donc aucun problème aux soeurs pour réussir. En revanche, leur voix possédait une autre caractéristique très singulière qui trouvait son origine dans une anomalie avec laquelle elles sont nées toutes deux. Beaucoup moins drôle, ce handicap, pourtant léger, a bien failli mettre un coup d'arrêt à leur rêve de devenir comédiennes...
Dans une interview accordée au site Une Voix à soi, réalisé par Aline Jalliet en janvier dernier, Alexandra Lamy a évoqué un épisode marquant de sa jeunesse qui a failli compromettre sa carrière. À 16 ans, alors qu'elle étudiait le théâtre depuis trois ans et venait d'intégrer le conservatoire, une amie ORL de sa mère l'a alertée sur un possible problème vocal. Après un examen médical désagréable, le verdict tombe : "Alors toi ma fille, c'est terminé. Tu as un souffle dans la voix, tes cordes vocales ne s'accolent pas bien, donc le théâtre, il faut que tu oublies, c'est fini. Tu ne pourras jamais tenir une pièce de théâtre, tu ne pourras jamais jouer sur la longueur", lui lance tout de go la spécialiste.
Ce diagnostic abrupt a été un choc pour la jeune comédienne. "Ça a été le drame de ma vie ! Ses paroles m'ont complètement traumatisée. Je suis sortie en larmes, c'était horrible pour moi", confie-t-elle. Mais malgré cette annonce, Alexandra ne renonce pas à sa passion. Aidée par sa professeure au conservatoire, Eugénie Oliver, -qui lui a aussi permis de gommer son accent- elle a travaillé intensément sur sa voix, apprenant à respirer correctement et à ne plus forcer sur ses cordes vocales. "C'est le théâtre qui m'a réappris à positionner ma colonne d'air, à comprendre qu'il ne fallait plus que je tire sur les muscles de la gorge pour parler", explique Alexandra.
Pourtant, l'angoisse est toujours là, lorsqu'après Un gars une fille, l'actrice se voit offrir le rôle principal dans une pièce exigeante, ses craintes ressurgissent. Elle décide alors de consulter une orthophoniste, Madame Pinna, qui la rassure : "Oui, c'est vrai, vous avez un souffle, oui vous avez des petits nodules, mais on va travailler". Et Alexandra a travaillé, trois mois durant, prenant toujours garde à boire beaucoup d'eau "parce qu'il faut hydrater les cordes vocales", souligne-t-elle. Elle a ainsi réussi à surmonter cette anomalie et parvient désormais à jouer sans problème.
Après cet épisode à l'issue heureuse, Alexandra raconte avoir retrouvé l'amie ORL pour lui dire ses quatre vérités. "Mais tu te rends compte du mal que tu as fait ? Si je n'avais pas été aussi passionnée que ça, je serais peut-être passée à côté d'une carrière parce que tu n'as pas fait ton travail de médecin, qui est de trouver des solutions et d'accompagner, et pas de casser les rêves des jeunes filles de 16 ans !"
Au moment où elle apprend que sa voix souffre d'un léger trouble, Alexandra s'interroge. Et si sa soeur Audrey avait, sans le savoir, le même problème ? Bien vu. Alertée sur le sujet, Audrey se rend compte qu'elle a le même petit souffle dans la voix. "Elle a pris tout de suite des cours avec Madame Pinna qui lui a appris à travailler sa voix, tout en insistant sur l'originalité de son timbre comme du mien. Elle nous a dit que le travail consistait juste à s'assurer que nos cordes vocales ne se fatigueraient pas".
Et c'est ainsi que ce grain de voix particulier est devenu une véritable signature pour les soeurs. "C'est la marque de fabrique des soeurs Lamy", s'amuse Alexandra. Une identité vocale propre qui s'étend même à la fille d'Alexandra, Chloé Jouannet, fruit de ses amours, avec Thomas, une histoire désormais révolue, même s'ils se revoient avec plaisir. Des voix qui, en dépit de leur originalité, ne les ont nullement empêchées de toutes trouver... leur voie !