C'est avec deux jours d'avance que Dominique Strauss-Kahn a été entendu au palais de justice de Lille pour y être auditionné par les trois juges chargés du dossier du Carlton. L'ancien directeur général du Fonds monétaire international a été mis en examen pour "proxénétisme en bande organisée" - et non uniquement pour complicité !- et placé sous contrôle judiciaire. Dans le cadre de ce contrôle, DSK doit s'acquitter d'une caution de 100 000 euros "avec interdiction d'entrer en contact avec les mis en examen, les parties civiles, les témoins et tout organe de presse à propos des faits objets de la procédure", précise le parquet.
Grave mise en examen
LeMonde.fr rappelle que selon l'article 225-5 du Code pénal, le proxénétisme est le fait d'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui.
Lundi soir, l'un des avocats de Dominique Strauss-Kahn a dénoncé un acharnement judiciaire : Me Richard Malka a déclaré qu'en raison de "comportements qui ne devraient regarder que lui, M. Strauss-Kahn se trouve ainsi, en grande partie à raison de sa notoriété, jeté au bûcher et ce par un étrange hasard du calendrier, à moins d'un mois d'une échéance électorale majeure". Mais la mise en examen de son client laisse croire que les juges ont d'importantes raisons de croire que DSK savait que les filles qui participaient à ces parties fines organisées par Fabrice Paszkowski et David Roquet (qui ont déjà effectué trois mois de prison et ont été mis en examen) étaient des prostituées. Les avocats de DSK ont annoncé dans la foulée leur intention de faire appel : "Il va sans dire que nous demanderons l'annulation de cette décision" de mise en examen, a déclaré Me Henri Leclerc, l'un des trois avocats de M. Strauss-Kahn. "Nul ne peut ainsi comprendre l'application de la notion de proxénétisme à sa situation. Il est encore plus invraisemblable et contraire au sens commun d'utiliser des notions de bande organisée ou de réseau pour une simple activité libertine", a déclaré Me Richard Malka, l'autre conseil de l'ancien patron du FMI.
Par la voix de ses défenseurs, Dominique Strauss-Kahn a fait savoir qu'il contestait sa mise en examen : "Il déclare avec la plus grande fermeté n'être coupable d'aucun de ces faits et en particulier n'avoir jamais eu la moindre conscience que certaines femmes rencontrées pouvaient être des prostituées", a dit l'un de ses avocats. "À supposer même qu'il aurait connu le statut des femmes dont il est question, il faut rappeler que le fait d'avoir une relation avec une 'escort' ne constituerait pas une infraction au regard de la loi française et relèverait d'un comportement privé, parfaitement licite entre adultes." DSK va plus loin en affirmant n'avoir jamais mis les pieds au Carlton de Lille et que ce volet de l'affaire ne le concerne pas.
Après sa mise en examen, vers 22h, DSK a quitté Lille pour rentrer dans la nuit à Paris.
L'immunité à New York ?
Après ce déferlement lillois, c'est à New York que les avocats de DSK jouent une carte importante : celle de l'immunité. Mercredi, se tiendra une première audience dans le procès au civil l'opposant à Nafissatou Diallo qui l'accuse de viol. L'audience doit porter sur "les motions" déposées dans le cadre de la procédure, notamment celles de la défense : les avocats de DSK ont demandé le 26 septembre le classement de l'affaire au nom de l'immunité diplomatique dont aurait bénéficié à ce moment Dominique Strauss-Kahn. Ni DSK ni la plaignante ne seront présents à cette audience, mais il y a fort à parier que les avocats de cette dernière ne manqueront pas d'évoquer, devant le tribunal new-yorkais, les événements de Lille et cette mise en examen.
Cette audience devant la Cour suprême du Bronx sera présidée par le juge Douglas McKeon. Il annonçait dans une interview pour le Journal du dimanche qu'il s'agit d'une "audience très technique" et qu'il devrait mettre "deux à trois semaines" avant de rendre sa décision.
Bien entendu, DSK reste innocent des faits qui lui sont reprochés jusqu'au jugement définitif de cette affaire.