Autant vous donner envie d'emblée. "Mon patron s'appelle Luigino Pizza, tout le monde l'appelle comme ça à cause de ses pizzerias. Moi, je m'appelle Périclès Scalzone, et mon métier est de sodomiser les gens." Voilà comment débute le roman Périclès le noir (écrit par Giuseppe Ferrandino) dont s'inspire librement le cinéaste Stefano Mordini (D'acier).
Qui mieux pour en parler que les deux acteurs de ce long métrage sombre et insolent, à savoir le magnétique Riccardo Scamarcio, et la non moins talentueuse Marina Foïs ? Les deux comédiens, qui s'étaient déjà croisés sur Polisse, reviennent au Festival de Cannes avec ce film projeté dans la sélection Un Certain Regard. Présentant chacun le personnage de l'autre, Marina Foïs avoue avoir été fascinée et séduite par "un homme très inspirant". Au-delà de l'histoire de mafia qui sert de fil conducteur, "Périclès, c'est qu'est-ce que cela donne, quelqu'un qui n'aurait pas été élevé, à qui on n'aurait pas donné le droit de penser, de rêver, d'avoir des sentiments ?" à en croire la comédienne française, dont le personnage Anastasia s'éprend de cette "bête, sorte d'animal sauvage".
Quant à Riccardo Scamarcio, absolument bluffant dans le rôle de Périclés, il évoque une femme au "regard solide qui vous prend dans ses bras", une mère de famille qui "a la force maternelle, et en même temps est séduisante, forte". "Elle est la seule qui le voit, qui est capable de le regarder vraiment", assure l'acteur italien de 36 ans, qui évoque "un personnage indéfinissable, comme Périclès d'ailleurs".
Il considère que sodomiser des gens, c'est un travail
Parmi les points forts du film, on peut parler la mise en scène très froide de Mordini, la musique fabuleuse de Peter Von Poehl, mais aussi des scènes de sexe qui ont leur importance. Riccardo Scamarcio est ainsi confronté à l'épreuve de la sodomie – on le voit s'exécuter mécaniquement, le regard perdu dans le vide et en même temps empli de colère – puis aux scènes d'amour avec Marina Foïs qui n'hésite pas non plus à se dénuder. "Périclès considère que sodomiser des gens, c'est un travail. Et ça vient de la bouche d'un homme, lâche Marina Foïs, qui souligne le penchant "féministe" du film. Je trouve ça intéressant, parce qu'on sait depuis longtemps que les femmes font ce travail-là."
Conscient d'avoir pris un risque avec ce film, le héros de Romanzo Criminale et compagnon à la ville de la membre du jury Valeria Golino conclut : "On était en danger, tout le temps. Le film est comme les personnages, il s'échappe, il change [...] On le savait très bien qu'on était en danger, et quand je revois le film, je me dis 'mais on était fous'. Mais au final, le film, dans sa folie, est réussi je pense." Et on ne pourra pas lui donner tort.
Christopher Ramoné