En porte-étendard du cinéma français, amoureux du septième art et homme engagé, le réalisateur oscarisé pour The Artist Michel Hazanavicius a rappelé au président de la République, François Hollande, ses promesses pour le cinéma hexagonal. Dans une lettre adressée au président, le réalisateur, partenaire à la ville de Bérénice Bejo (Prix d'interprétation à Cannes 2013 pour Le Passé), a vivement attaqué les choix politiques de François Hollande et de son gouvernement au détriment du CNC.
Ulcéré de constater "avec stupéfaction que le budget consacré à la culture serait à nouveau en baisse", Michel Hazanavicius questionne le président avec fermeté : "Pourquoi devons-nous être en permanence les témoins d'actes qui viennent systématiquement contredire vos engagements ?" D'autant que pour le réalisateur, les décisions ne sont pas cohérentes. Il se dit ainsi surpris "qu'au lendemain d'une victoire politique du gouvernement sur la Commission Européenne pour le respect de l'exception culturelle, les moyens permettant de mettre en place cette politique utile et ambitieuse soient refusés".
En cause, une "réduction drastique du budget du Centre national de la cinématographie" et une méconnaissance du sujet selon Michel Hazanavicius. Rappelant que "le CNC permet de maintenir l'équilibre sans cesse menacé entre la dimension artisanale de la création cinématographique et sa dimension industrielle", et qu'il "est envié par bien des pays qui n'ont pas pu, comme le nôtre, se doter de cet organisme puissamment efficace", Hazanavicius dénonce la "ponction supplémentaire de 100 millions d'euros sur le fonds de roulement du CNC". Évoquant un "socle historique du cinéma Français" qui participe à "l'épanouissement du cinéma européen" à l'heure où la France vante son exception culturelle à ses confrères continentaux, le réalisateur refuse de voir "un secteur industriel qui a toujours donné des gages de réussite tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de nos frontières" se faire détruire à petit feu.
L'an dernier, le CNC a subi "un prélèvement de 15O millions d'euros" sur son budget, que le réalisateur d'OSS 117 rappelle "exceptionnel", dans le simple "cadre des efforts demandés à tous face à la 'crise'". Rappelant la promesse de défense et de soutien du cinéma tricolore, Michel Hazanavicius se désole de voir que "cette mesure n'obéit à aucune réflexion politique, si ce n'est à une politique des chiffres qui consiste à vouloir récupérer des fonds par tous les moyens, au risque de détruire un système vertueux et de mettre en péril un secteur artistique ainsi que son économie".
En ligne de mire, les emplois. "Un film français qui se délocalise, ou qui ne peut se réaliser, c'est entre 100 et 200 emplois qualifiés qui se perdent. C'est une PME qui ferme. Pourquoi envisager de détruire cette entreprise centenaire qu'est le cinéma ?", attaque Michel Hazanavicius. A la fin de sa lettre, le ton est sans équivoque : L'action de votre gouvernement devient de moins en moins compréhensible pour notre secteur et cela nous consterne [...] Il y a un peu plus d'un an maintenant, vous rappeliez 'l'originalité du financement du cinéma français, et déclariez que le rôle du Centre national du cinéma devait être préservé, garanti, ainsi que ses ressources'. Ce discours, comme celui de Nantes, nous avait rassurés sur vos convictions et nous vous avons accordé notre entière confiance [...] Nous aurions beaucoup de mal à comprendre pourquoi, après avoir si brillamment sauvé l'exception culturelle, vous laisseriez détruire notre secteur, sur la foi d'un rapport qui n'a visiblement compris ni nos enjeux, ni notre rôle social. Vous avez sauvé la règle du jeu, ne laissez pas vos coéquipiers vous faire perdre la partie".
De son côté, Aurélie Filippetti a mis en garde Bercy et la Cour des comptes : "Le CNC n'est pas une vache à lait". La ministre de la Culture souhaite briser les idées reçues à propos du CNC : "Moi, je demande de la cohérence. Je demande qu'on arrête de dire que le CNC a trop d'argent, c'est faux". Elle a également ajouté qu'une "partie de cet argent, plus de 150 millions d'euros, va servir à numériser des films, notamment pour développer l'offre numérique légale".