En 2012, The Artist remportait cinq Oscars. Un triomphe pour le cinéma français, que l'on doit principalement à un artisan américain : Harvey Weinstein. Le producteur et distributeur a pris le film muet en noir et blanc sous son aile, avec la promesse d'une avalanche de récompenses. Promesses tenues, notamment pour Jean Dujardin qui a remporté l'Oscar du meilleur acteur et un Golden Globe.
Aujourd'hui, l'ange-gardien de The Artist fait la une des médias, et pas pour des bonnes raisons. Des dizaines de femmes et notamment des actrices l'accusent de harcèlement et d'agressions sexuelles. Les langues se délient, soit pour dénoncer, soit pour raconter. Devant ces réactions en chaîne, rien du côté du côté de The Artist. Jean Dujardin est resté muet, Bérénice Bejo très discrète. Ce lundi 16 octobre, une semaine après les premières révélations, Michel Hazanavicius, le réalisateur de ce chef-d'oeuvre multiprimé, a brisé le silence. "Grâce à un crétin, je viens de comprendre que ne rien dire publiquement à propos d'Harvey Weinstein pouvait être interprété comme de l'indifférence, voire de la bienveillance, et même pourquoi pas de la complicité", déclare-t-il en préambule d'une longue déclaration publiée sur Facebook.
Sans fard, il assure qu'il n'était "absolument pas au courant de ces agissements, et, au risque de passer pour un gros naïf, même pas des rumeurs", après avoir déclaré que "ce qui lui est reproché est immonde, totalement condamnable et indéfendable", et dit, au nom de sa femme Bérénice Bejo et lui, son "plus grand respect pour les femmes qui ont eu le courage de témoigner". Il assure ensuite qu'Harvey Weinstein "n'a jamais manqué de respect [à Bérénice]". "Pour moi, son côté négatif était que c'était un rustre, qu'il pouvait être extrêmement grossier, j'avais lu qu'il était capable de massacrer des films, de les remonter contre les réalisateurs ou de refuser de les sortir, mais je n'imaginais pas qu'il pouvait à ce point être destructeur et violent avec les femmes", avoue le metteur en scène des OSS 117.
Désireux de donner lui aussi sa peinture du milieu, Michel Hazanavicius assure n'avoir "jamais été le témoin direct de ce type de comportements". "J'ai vu des gens se comporter mal, des gens très lourds, des gens qui faisaient des abus de position dominante, des misogynes avérés, des gens qui exerçaient mal leurs pouvoirs, mais ce type d'agissements, non", confie-t-il, s'estimant chanceux d'avoir pu travailler pendant trente ans avec des "gens normaux" – exception faite d'Harvey Weinstein, de toute évidence. "Je ne suis peut-être pas dans la sphère des 'prédateurs', mais je ne me reconnais pas du tout dans la description que certains font de mon milieu professionnel", ajoute le cinéaste. Pour lui, "le comportement d'Harvey n'est pas un symptôme de comment fonctionne le cinéma, mais de comment fonctionnent certains hommes de pouvoir".
"J'espère que, grâce aux témoignages de ces femmes, cette affaire permettra d'aller dans le bon sens, et que ce type d'hommes comprendra que, dorénavant, ce type de comportements ne peut plus faire partie du champ des possibles", conclut le réalisateur actuellement en salles avec Le Redoutable.