"Nous avons reçu l'information la plus éprouvante et la plus tragique que nous puissions annoncer à notre peuple. A 16h25 aujourd'hui 5 mars, est mort notre commandant président Hugo Chavez Frias après avoir combattu avec acharnement contre une maladie depuis presque deux ans." Ces mots, prononcés par le vice-président du Venezuela Nicolas Maduro au bord des larmes a plongé le pays dans la stupeur et la tristesse, alors que le plus grand secret régnait quant à l'état de santé du président de 58 ans. Personnalité à la fois adulée et controversée du monde politique, Hugo Chavez laisse derrière lui un pays économiquement exsangue dépendant de ses revenus pétroliers, mais profondément changé socialement depuis son accession au pouvoir en 1999.
Jeune révolutionnaire
Né en 1954, Hugo Chavez avait fait ses classes dans l'armée, accédant au poste de lieutenant-colonel parachutiste. Depuis son enfance, l'homme nourrissait le projet d'accéder un jour au pouvoir pour révolutionner un pays affaibli par les inégalités sociales. Admirateur de Simon Bolivar, figure emblématique de la guerre d'indépendance contre les Espagnols, il avait tenté de prendre le pouvoir en 1992 par un coup d'État manqué, qui l'avait conduit en prison.
En 1994, Hugo Chavez sort de prison et découvre qu'il est devenu le héros d'un peuple mis à l'écart des bénéfices tirés des revenus de l'exploitation du pétrole, dont le Venezuela détient les plus importantes réserves au monde. Après avoir parcouru le pays en camionnette, il est élu à la présidence en 1999 par les urnes, écrasant l'opposition. Dès lors, Hugo Chavez n'aura de cesse de mettre en place son "socialisme du XXIe siècle" inspiré de Simon Bolivar, renommant symboliquement le pays en République Bolivarienne du Venezuela, sans jamais connaÎtre la défaite dans les urnes.
Président charismatique et controversé
Orateur hors pair, personnalité exubérante, personnage charismatique et défenseur des minorités, Hugo Chavez pouvait mobiliser et galvaniser les foules au cours de discours parfaitement mis en scène pouvant durer des heures, à l'image d'un Fidel Castro à ses meilleurs heures, modèle de l'homme politique vénézuélien qui n'hésitait pas à apparaître en treillis et béret rouge. Multipliant les apparitions médiatiques – chaque dimanche, il animait une émission de plusieurs heures sur la télévision d'État –, muselant une opposition incapable de s'organiser, qui en 2002 tentait de le renverser par un putsch manqué, Hugo Chavez entama de profondes réformes sociales en faveur des plus démunis, nationalisant de nombreuses entreprises, axant ses programmes sur l'éducation, la santé et le logement, lui garantissant une popularité à nulle autre pareille, conférant parfois à l'idolâtrie. Soutien affiché des autres présidents latino-américains chantres de la révolution socialiste, notamment en Bolivie, au Nicaragua ou en Équateur, Hugo Chavez laisse le souvenir d'un dirigeant atypique, personnalité à l'extrême, mêlant gauchisme, militarisme et religion, tissant des alliances avec quelques-uns des dirigeants les plus controversés à travers le monde, comme Mouammar Kadhafi en Libye, Mahmoud Ahmadinejad en Iran ou encore Bachar al-Assad en Syrie.
Pourfendeur du capitalisme, critique de "l'impérialisme yankee", Hugo Chavez a succombé à un cancer de la région pelvienne détecté en juin 2011. Le plus grand secret entourait la santé de l'homme d'État qui avait passé ses derniers temps à Cuba, où quatre opérations n'auront pas suffi à le sauver.
Pour ses détracteurs et l'opposition, sa mort ouvre de nouvelles perspectives à un pays contrôlé par l'État, et donc par Hugo Chavez. Tout au long de ses quatorze années de pouvoir, Hugo Chavez a été accusé de museler la presse, de nationaliser à tout-va, fragilisant l'économie, tout en s'enrichissant personnellement et permettant à sa famille d'accéder à de vastes domaines terriens dans leur État d'origine du Barinas...
Hommages politiques et d'Hollywood
Les réactions ne se sont pas fait attendre à travers le monde. Si les leaders latino-américains ont tous salué sa mémoire, décrétant des journées de deuil national, apparaissant aux bords des larmes en annonçant la mort d'un leader "extraordinaire, courageux, plein d'amour et d'héroïsme" comme le décrivait le président équatorien Rafael Correa, les réactions étaient ailleurs plus mesurées.
Barack Obama a tenu à apporter son soutien aux Vénézuéliens, espérant des "relations constructives" à l'avenir, tout en soulignant que les "États-Unis continuent à soutenir des politiques qui soutiennent les principes démocratiques, l'état de droit et le respect des droits de l'homme". François Hollande a pour sa part indiqué qu'Hugo Chavez avait "profondément marqué l'histoire de son pays", poursuivant dans un communiqué : "Le président défunt exprimait au-delà de son tempérament et de ses orientations que tous ne partageaient pas une volonté indéniable de lutter pour la justice et le développement. Je suis convaincu que le Venezuela saura surmonter cette épreuve dans la démocratie et l'apaisement." Si les dirigeants occidentaux se sont montrés dans l'ensemble plus mesurés dans leurs messages de condoléances, certains acteurs américains n'ont pas manqué d'afficher leur grande peine devant la disparition d'El Commandante.
Oliver Stone, réalisateur qui avait consacré un documentaire au dirigeant, South of the Border, a fait part de sa grande tristesse devant la disparition d'un "grand héros". "Je pleure la perte d'un grand héros pour la majorité de son peuple et pour tous ceux qui luttent à travers le monde pour avoir une place", a-t-il ainsi déclaré avant d'ajouter : "Détesté des classes bien établies, Hugo Chavez restera à jamais dans l'histoire. Mon ami, repose en paix, méritée depuis longtemps."
Sean Penn, soutien affiché du président vénézuélien, a lui aussi rendu hommage au président disparu, indiquant que les personnes pauvres de la planète avaient "perdu un champion" et l'Amérique, "un ami qu'elle a toujours ignoré avoir". Lui-même étant un proche d'Hugo Chavez, il lui avait rendu visite à plusieurs reprises à Caracas.
Alors que sept jours de deuil officiel ont été décrétés par le gouvernement, Hugo Chavez sera exposé dès ce mercredi dans le hall de l'Académie militaire de Caracas, avant d'être enterré lors de funérailles nationales vendredi prochain.