Lundi 4 juillet 2011 périssait l'archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine et avec lui disparaissait le rêve concret d'une grande Europe politique, puissante dans son identité, imbousculable dans sa cohérence, riche dans sa diversité. L'idéal d'un géopoliticien sagace et humain, l'oeuvre de toute une vie, la projection d'un esprit visionnaire.
Agé de 98 ans, le fils aîné de Charles Ier, dernier empereur d'Autriche-Hongrie, et de l'impératrice Zita, Otto d'Autriche, est mort dans son sommeil à son domicile de Pöcking, en Bavière, rejoignant dans le trépas la princesse Regina, décédée un an et demi auparavant.
Dans son édition de ce 16 juillet 2011, date des funérailles viennoises du défunt, le quotidien Le Figaro avait le bon goût de publier un billet de Georges d'Harcourt, vice-président de l'Union paneuropéenne de France (Otto de Habsbourg-Lorraine présida durant plus de 30 ans, jusqu'en 2004, l'Union paneuropéenne internationale), qui relevait autant de l'oraison funèbre que du louable memento. Rendant hommage à un cet "héritier d'un Empire détruit par la guerre", observant son "étrange destin, mais un destin voulu", saluant le "rayonnement personnel" de ce prince qui a su "réinventer le métier de chef de maison souveraine de la manière la plus perspicace et la plus active qui soit", et qui, inlassable et diplomate, "incarnait l'Europe dans ce qu'elle a de meilleur", Georges d'Harcourt ponctue son élégante intervention d'une ligne édifiante : "C'est toute l'Europe centrale qui porte son deuil, mais c'est l'Europe entière qui doit conserver sa mémoire."
A Vienne, en Autriche, ce samedi 16 juillet 2011, sa mémoire fut honorée lors de très respectueuses funérailles. De nombreuses têtes couronnées avaient fait le déplacement, ayant troqué les beaux atours du mariage monégasque du début de mois contre des tenues de deuil. Pourtant, les visages de l'infante Cristina d'Espagne, du couple royal Carl XVI Gustaf et de la reine Silvia de Suède, du prince Lorenz et de la princesse Astrid de Belgique, de la princesse Michael de Kent ou encore du prince souverain Hans-Adam II de Liechtenstein et de son épouse la princesse Marie Aglaë n'étaient pas contrits. Sans doute parce que la disparition du grand architecte européen, presque centenaire, appartient à la nature des choses, et que les grands d'Europe vivent avec son héritage, un legs précieux. La peine était en revanche bien marquée sur les faces de sa famille : Otto de Habsbourg-Lorraine (qui tenait beaucoup à la France de sa mère et à son ascendance dans la Maison de Lorraine - il revenait d'ailleurs régulièrement à Nancy et se recueillait sur les tombes familiales à la chapelle des Cordeliers) laisse sept enfants, dont l'archiduc Karl de Habsbourg-Lorraine, 50 ans, sixième d'une fratrie de sept (les grandes soeurs Andrea, Monika, Michaela, Gabriela et Walburga, et le jeune frère Georg), actuel prétendant au trône d'Autriche, auquel il avait transmis les rênes de la Maison de Habsbourg en 2007. L'héritier était entouré des siens, sa femme Francesca von Thyssen-Bornemisza et leurs enfants Ferdinand Zvonimir, Eleonore et Gloria, pour la cérémonie donnée en la cathédrale Saint Stephans de Vienne.
Des obsèques avaient déjà eu lieu la semaine passée, avec levée du corps à Pöcking et des messes funèbres notamment à Pöcking, Munich, Vienne et Budapest. Samedi, c'était au tour du coeur de l'Europe de battre à l'unisson, en son sein, pour l'une de ses plus belles incarnations modernes. La dépouille de l'archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine repose désormais dans la crypte impériale située sous l'église des Capucins, à Vienne, qui recèle les sépultures des Habsbourg depuis 1633 - exception faite de son père Charles Ier, enterré à Madère où il périt prématurément durant leur exil.
G.J.