Ecrivain tardif mais prolifique et essentiel, et témoin majeur de son temps, Jorge Semprún est décédé mardi 7 juin 2011 à son domicile parisien, à l'âge de 87 ans. Le point final et le point d'orgue à une existence où la verve littéraire vint le disputer à une conscience politique forgée dans une histoire de famille et personnelle tourmentée par les guerres européennes.
Ce n'est pas pour rien que le récipiendaire, entre autres, du prix de la paix et du prix des Droits de l'Homme continuait, octogénaire, à décortiquer dans ses dernières années le passé de l'Europe et à prophétiser son avenir : L'Homme européen (co-écrit avec Dominique de Villepin) en 2005, Où va la gauche ? en 2008, et Une tombe au creux des nuages. Essais sur l'Europe d'hier et d'aujourd'hui, dernière pierre autobiographique et "laboratoire intellectuel" précieux pour le futur, furent les dernières contributions d'une conscience en mouvement.
Thomas Landman, petit-fils du défunt, a communiqué mercredi à l'AFP les détails des obsèques, qui auront lieu dimanche ou lundi dans le village de Seine-et Marne, Garentreville (proche de Nemours), où l'écrivain espagnol "avait une maison de campagne". Jorge Semprún, un an après le décès de son fils Jaime né d'un ancien mariage, y sera enterré auprès de sa défunte femme, Colette Leloup. "Il n'y aura pas de cérémonie religieuse", a précisé son descendant, qui a toutefois signalé qu'un hommage spécial serait rendu, "dans la plus stricte intimité", au lycée Henri IV (possiblement jeudi) : pépinière des élites littéraires, le lycée parisien voisin du Panthéon avait vu passer en ses murs Jorge Semprún autour de 1940, lorsque sa famille, en exil suite à l'avènement de la dictature du général Franco, dut se réfugier en France, abandonnant les Pays-Bas après qu'ils reconnurent le gouvernement franquiste.
Réfugié politique, exilé, résistant, déporté à Buchenwald (le déclencheur, le traumatisme et le coeur de son oeuvre), écrivain, scénariste, militant communiste, ministre, philosophe et Français d'adoption (autant de facettes qu'il insuffla dans le téléfilm en deux parties Ah, c'était ça la vie, co-créé avec Franck Apprederis et diffusé en 2010 sur France 2) : l'hommage ne manquera pas de matière.