Réunis en Tandem l'an dernier par Christophe Hondelatte, la superbe cantatrice Natalie Dessay et le remarquable compositeur Michel Legrand n'ont peut-être pas fini de cheminer ensemble...
D'abord, parce qu'elle a déjà fait, avec bonheur (un lumbago mis à part), une incursion dans le répertoire de l'homme aux 200 musiques de films et 100 albums, oscarisé pour les bandes originales de L'Affaire Thomas Crown, Un été 42 et Yentl, et complice mythique de Jacques Demy. A l'initiative de Laurent Pelly, cette première expérience a marqué son interprète, comme elle le relate dans une interview très stimulante accordée au Figaro du 22 janvier : "J'ai découvert Peau d'âne à 6 ans et je ne m'en suis jamais remise. Lorsque Laurent m'a proposé une sorte de tour de chant autour de vingt et une chansons de Legrand, j'ai été emballée. Mais quel boulot ! Il m'a d'abord fallu trouver ma voix "normale" et j'étais tellement angoissée que j'en ai fait un lumbago. Le spectacle était formidable. Pour la recette du "cake d'amour", je faisais un gâteau en direct sur scène."
Une première complicité artistique indirecte qui pourrait bientôt... en appeler une autre ! Interrogée sur son éventuel intérêt pour la comédie musicale, la soprano réputée pour ses talents dramatiques ouvre la porte : "J'aimerais bien. Legrand a d'ailleurs dit qu'il allait m'écrire un oratorio. J'attends. J'ai toujours dit qu'après l'opéra je ferais du music-hall".
A suivre... Pour l'heure, et après avoir sombré dans la folie - elle a dernièrement publié un album à la thématique bien pensée, Mad Scenes, qui compile les grandes scènes de folie de l'opéra -, Natalie Dessay se frotte au... somnambulisme : elle s'apprête ainsi à donner sur la scène de l'opéra Bastille ("j'avais demandé Garnier", signale-t-elle) La Somnambule, de Bellini. Comme pour tous ses rôles, celui-ci ne passera pas le cap des 70 représentations : "J'ai pour principe de ne pas chanter un rôle plus de 70 fois. Après la reprise de ce spectacle à Vienne, le compte sera bon. Au-delà, je me lasse. Dans le cas de La Somnambule, la pauvreté du livret n'aide pas. Mais la beauté de la musique sauve le tout".
Très loquace sur son art (et les prévisions son grandioses, puisqu'elle prévoit notamment La Traviata, "le rôle des rôles", pour 2011), celle qui affirme n'avoir "pas d'inconscient", constat confirmé par trois vaines psychothérapies, Natalie Dessay, mère de deux enfants nés de son amour avec le chanteur lyrique Laurent Naouri (ils vivent dans le Val-de-Marne), s'ouvre également sur son mode de vie. Florilège :
"Ce spectacle [La Bohème], suivi de La Somnambule, m'a surtout permis de rester six mois à Paris. Cela ne m'était jamais arrivé en vingt ans de carrière. J'ai pu suivre la rentrée scolaire de mes enfants et me reposer..."
"J'ai peur de tout. Petite fille, j'avais peur d'être une enfant et de devenir adulte. Depuis, j'évite le plus possible d'être dans le monde réel. Ce qui est possible, jusqu'au jour où vous avez des enfants. Ils vous ramènent brutalement à la réalité quotidienne."
"Mon bureau est un amas de papiers, de contrats non signés. Je suis incapable de remplir une feuille d'impôts, je ne sais pas combien je gagne. Je crois que cela ne m'intéresse pas. Je ne suis juste pas adaptée à la vie courante."
"Je lis, je peux m'abstraire longtemps en moi-même, j'observe mes chats... Depuis cet été, je monte à cheval, ce qui tourne presque à l'obsession (...) Je crois que je ne suis pas très douée pour les rapports humains. Le but de certains est d'être adorés. Moi, mon objectif est de m'améliorer, à tous points de vue... J'aimerais arriver à un équilibre entre la fermeté et la douceur, quelque chose qui s'approche de la subtilité. Oui, c'est cela : la subtilité."
G.J.