Nelson Monfort est devenu en 20 ans de métier une figure incontournable du journalisme sportif. Autant aimé que détesté, l'homme ne laisse personne indifférent. Paradoxe à lui tout-seul, le journaliste de France Télévisions cultive sa particularité, celle d'un gentleman à la courtoisie énervante...
Courtoisie et gentillesse
Car c'est bien là la particularité de Nelson Monfort. "Une personne excessivement courtoise", écrit ainsi le journaliste de L'Équipe qui a rencontré l'homme controversé de France Télévisions et le décrit comme "avenant, poli, maître de son image". Personnage cultivé au sourire permanent, Nelson détonne dans l'univers audio-visuel. Depuis 20 ans, ses interviews font le bonheur de son employeur. Son empathie, sa marque de fabrique. Une empathie que certains prennent pour de la suffisance envers les autres. Une critique qu'il trouve "tellement injuste !" Injuste, c'est bien le terme qui convient lorsque l'on écoute ceux qui le connaissent. "Il est très attentif aux gens, je suis très surpris qu'on lui fasse ce reproche, note Patrick Chêne, l'ancien patron des sports chez France Télévisions. Sa gentillesse affichée et assumée étonne ; elle dérange."
Un artiste humaniste
Nelson Monfort préfère lui parler de "bienveillance", de "délicatesse". Un principe qu'il applique scrupuleusement, évitant de critiquer ses collègues, quand eux ne se privent pas de sorties virulentes. "Il n'aime pas le gossip, avance son épouse Dominique. Quand il a été critiqué, il a pris la décision de ne jamais répondre." Sa femme, rencontrée sur les bancs de Sciences-Po Paris poursuit : "Il est critiqué car il est différent, difficile à cerner, cultivé. Il s'intéresse à la musique, l'histoire, le théâtre... Quelque part, c'est un artiste. Les critiques sont le fait de la jalousie qu'il suscite."
Depuis 1987, ce style BCBG qui lui va si bien comme le note L'Équipe, Nelson Monfort ne l'a jamais quitté tout comme son accent anglais parfait qu'il doit à son père américain et à sa mère néerlandaise. Le journaliste se fait rapidement une place et sa popularité croissante lui vaut une marionnette aux Guignols de Canal + dès 1995. Son humanité séduit les sportifs. Amaury Leveaux, jeune retraité des bassins : "Le sportif s'en veut déjà d'avoir raté sa course, ce n'est pas la peine d'en rajouter. Nelson, c'est la première personne que tu vois en sortant des bassins, tu as envie d'être réconforté car derrière, en zone mixte, tu sais que tu vas prendre une rafale."
Critiques, boulettes et cassettes vidéos
Pourtant, Nelson Monfort ne fait pas l'unanimité. Et particulièrement auprès de ses confrères, ou encore sur les réseaux sociaux, comme il a pu le constater, amer, lors des derniers JO de Sotchi. Les premiers lui reprochent "ses ménages" (une collaboration extérieure rémunérée), de faire preuve de suffisance, voire, de ne penser qu'à lui. Sur les réseaux sociaux, on se plait à relever ses boulettes (la date du mariage de Camille Lacourt annoncée en direct à la télé, la mort de la mère d'Ophélie Cyrielle Etienne, après sa médaille de bronze en relais en natation aux JO de Londres en 2012), ou encore les commentaires jugés sexistes au côté de Philippe Candeloro, qui ont valu au duo un rappel à l'ordre du CSA.
Une affaire cristallise en partie le ressenti des journalistes à son égard. Patrick Montel et Nelson Monfort partageaient leur bureau, lorsque le service des sports a connu un grand réaménagement. Mais quelque chose bloquait l'accès au bureau des deux journalistes, empêchant les techniciens de faire leur boulot. Une armoire pleine de cassettes, celles de Patrick Montel. Sa mémoire, 25 ans de reportages et d'archives. "Monfort leur a dit : 'Dégagez-moi ça, on s'en fout !' C'est tout lui, il n'en a rien à branler des autres", rapporte un journaliste. Patrick Montel s'était énervé sur son blog, descendant allègrement son confrère. Aujourd'hui, il dit regretter, partage toujours son bureau avec Nelson Monfort, mais ne saluera jamais l'homme. Seulement le journaliste, qui "a su parfaitement occuper un espace vacant dans les années 90".
Charles Biétry, aujourd'hui patron des sports chez beIN SPORTS, souligne ses "qualités" et "son originalité", et le fait qu'il n'ait pas "d'équivalent". Avant de conclure : "Beaucoup de journalistes se ressemblent, lui ne ressemble à personne. Bon, heureusement qu'il n'y a pas que des Nelson Monfort dans une rédaction, mais il en faut un. Un, pas plus !"
On lui reproche de toujours vouloir être dans la lumière, de ne faire que des interviews, le reportage apportant moins de gloire. Pierre Fulla ne s'est pas privé de le descendre à l'antenne sur la chaîne Sport365 note L'Équipe, l'accusant de vouloir se mettre "à la place de l'événement pour se faire mousser". De pousser les autres pour prendre leur place. "Intrigant, non, réfute Patrick Chêne. Mais il est ambitieux car il a eu très tôt conscience qu'il avait une carte à jouer."
"Fidélité incroyable"
Nelson Monfort se défend lui d'avoir jamais voulu prendre la place d'un confrère. "Je n'ai pas de sang sur les mains. On a en revanche souvent pris la mienne", rappelle-t-il. Sans succès, souligne L'Équipe. Une vision confirmée par Amaury Leveaux : "Le changer ? Pour mettre qui ? Personne ne peut faire ce qu'il fait. Et il n'est pas près de lâcher le micro !"
Si ses confrères et les réseaux sociaux aiment à tailler le journaliste, ses anciens patrons se plaisent à mettre en avant "sa fidélité incroyable", comme le note Patrick Chêne, qui se souvient que c'est son père qui l'avait embauché dans les années 70. "Nelson a toujours été présent, à chaque occasion, pour les 80 ans de mon père, pour ses obsèques, il y a dix ans. Il a des valeurs humaines très fortes, ce n'est pas un faux gentil, ni un tordu", raconte son ancien boss.
C'est peut-être là, le paradoxe Nelson Monfort. Une personnalité pleine d'humanité qui fait tout son succès, et qui fait qu'on le déteste tout autant...
Nelson Monfort, Gentleman présentateur, un portrait à retrouver dans L'Equipe du 26 mars 2014