Elle était la femme la plus riche d'Espagne, la troisième fortune du pays (estimée à environ 4,5 milliards d'euros) et la 254e dans le monde. C'est beaucoup, mais elle était tellement plus... Décédée brutalement à 69 ans seulement jeudi 15 août 2013, Rosalia Mera, cofondatrice avec son ex-mari Amancio Ortega de l'empire du textile Inditex (propriétaire de marques comme Zara, Bershka ou Massimo Dutti) et femme modèle à plus d'un égard, a reçu l'hommage de ses proches dès le surlendemain. Des adieux aussi pressés que son départ fut inopiné.
La milliardaire espagnole avait été victime le mercredi d'une attaque cérébrale lors de ses vacances aux Baléares avec sa fille Sandra, hospitalisée à l'unité de soins intensifs de l'hôpital Mateu Orfila de Mao de Minorque puis transférée - dans un état jugé "irrémédiable" - à l'hôpital San Rafael de La Corogne, sa ville natale, où elle s'est éteinte, succombant à un arrêt cardiaque provoqué par son attaque.
Malgré la simplicité voulue des funérailles de cette grande dame exemplaire, tant par son parcours de fille de prolétaire devenue milliardaire que pour son intégrité morale et son engagement social, l'émotion était immense samedi 17 août au matin au cimetière de la paroisse de Santa Eulalia de Liáns, à Oleiros, commune de la région de La Corogne où la plus éminente des Galiciennes vivait.
Inconsolable, sa fille Sandra était soutenue par son mari, Pablo Gomez, recevant en cascade les condoléances de tous les amis et proches qui s'étaient déplacés. Amancio Ortega, avec qui Rosalia Mera avait été mariée de 1966 à 1986 et a eu ses deux enfants, Sandra et Marcos (un fils atteint d'une déficience mentale de naissance qui inspira à Rosalia son engagement pour l'insertion des personnes handicapées par le biais de sa fondation Paideia Galiza), a également assisté aux obsèques conduites par le père José Carlos Alonso, arrivé en compagnie de sa nièce Dolores Ortega et de sa famille (son mari Juan Carlos Rodriguez Cebrian, ex-directeur général d'Inditex, et leurs deux enfants). Resté respectueusement en retrait, le troisième homme le plus riche de la planète n'a pu masquer son intense émotion notamment lorsque le groupe Luar na Lubre a interprété la Marche de l'ancien royaume de Galice, hymne régional, et Piensa en mi, morceaux déchirant de la chanteuse Luz Casal, présente aux obsèques.
La veille, Amancio Ortega, qui a refait sa vie et est en couple depuis 2001 avec Flora Perez Marcote, mère de sa fille Marta Ortega, avait pu se recueillir sur la dépouille de son ex-femme à la morgue de l'hôpital San Rafael, où il avait retrouvé Sandra et ses deux enfants.Sur la sépulture provisoire de la défunte entrepreneuse, qui avait quitté les bancs de l'école à 11 ans pour les ateliers d'une maison de mode à 13 et avait confectionné elle-même, à la maison, les premières pièces de la formidable success story vécue avec son ex-époux, une couronne de fleurs unique trônait, concentrant les pensées chagrines du personnel de sa fondation, Paideia Galiza, fermée en signe de deuil ce jour-là, du groupe Trebore et de la société Rosp, mais plein d'autres gerbes, apportées par des personnes, des entreprises, ou des centres éducatifs, étaient en attente d'être disposées autour de sa tombe.
Le président de la Junte de Galice, Alberto Nuñez Feijoo, s'est ému de la disparition d'une telle self-made woman, qui a su jusqu'au bout rester elle-même. Issue d'un milieu populaire, née dans un quartier ouvrier de La Corogne, Rosalia Mera, classée dernièrement par Forbes 66e femme la plus influente au monde, avait conservé malgré sa réussite une sensibilité de gauche, et n'hésitait pas à intervenir sur la scène publique pour partager ses convictions, affirmées, concernant par exemple la redistribution des richesses, dénoncer la corruption du gouvernement, s'insurger contre les coupes budgétaires décidées dans le domaine de la santé...). "Nous perdons une formidable Galicienne, une formidable entrepreneuse à l'engagement social immense. C'est une grande perte pour la Galice et pour l'Espagne", a déploré l'élu, souhaitant que sa fille reprenne le flambeau de cette implication sociale.