Le 16 novembre dernier, Pete Doherty redonnait vie au Bataclan, ou plutôt à son âme rock, avec un style qui lui est propre. Le dandy anglais lançait alors une grande tournée française avec son nouveau groupe, The Puta Madres, dans le cadre de la sortie d'Hamburg Demonstrations, son très charmant deuxième album solo. En marge de ce retour sous le feu des projecteurs, le sulfureux musicien britannique a donné une interview passionnante à Télérama. Il y évoque la symbolique de jouer au Bataclan, son père, le Brexit, les Libertines, la drogue, Amy Winehouse mais aussi son rapport à l'argent et à l'industrie musicale.
"Quand on m'a demandé, dès le mois de février, si je pouvais assurer le concert de réouverture du Bataclan, je n'ai pas hésité une seconde. Comme si j'avais été mobilisé. Il y a peu de choses pour lesquelles je suis prêt à mourir, mais Paris en fait partie", assure le songwriter britannique. Il surenchérit : "Et comme la musique est l'autre cause pour laquelle je serais prêt à mourir, comment aurais-je pu refuser ?"
Il est aussi revenu sur son incroyable prestation du 16 novembre. Un concert rentré dans les annales de la salle parisienne et qui "n'avait rien de calculé". "Je ne sais pas faire autrement que suivre mon instinct. J'aurais pu essayer de jouer seul, en acoustique, en prenant un air de circonstance. Mais je ne pouvais pas, et ce n'est pas ce qu'il fallait", confie celui qui s'est "livré corps et âme" lors de ce show.
Doherty s'est également épanché sur son grand pote, Carl Barât, qu'il avait convié sur scène le 16 novembre. Avec lui, il a fondé l'iconique groupe rock The Libertines, une formation devenue "une machine" avec laquelle "on ne peut plus être spontané". Il confie au sujet de son acolyte : "Il a une femme et des enfants, et pour lui, le temps de jouer juste pour le plaisir, avec des types défoncés, est révolu. Il s'est passé à autre chose. Ce n'est plus qu'enchaînements d'aéroports, de grands hôtels, de limousines avec sécurité renforcée."
Tout ce que Pete exècre. "C'est le problème du rock'n'roll. On chante la rébellion contre un système et on finit par être payé des fortunes pour le faire", s'amuse l'auteur-compositeur-interprète de 37 ans qui se considère comme "un chien errant" qui vit "essentiellement dans un camping-car" et fait du rock "dans une forme d'insoumission aux règles du show-business".
Marginal de base, Pete Doherty a vu ce trait de caractère se renforcer avec la mort d'Amy Winehouse. "Ce n'est pas seulement la drogue qui l'a tuée, mais la pression, la meute à ses trousses. J'ai vécu la même chose, ma constitution plus solide m'a sauvé, c'est tout", croit savoir le musicien dont pas moins de trois titres font écho à la disparition de l'interprète de Back to Black.
Désormais "clean", Peter Doherty va "mieux, émotionnellement, physiquement, spirituellement et même financièrement". Et il a pu renouer avec son père, un militaire dont il aurait pu suivre les pas. "Je ne serais pas tombé dans la drogue, qui sait", se demande l'intéressé qui était "plutôt costaud" adolescent, et qui jouait au foot bien mieux qu'il ne chantait. "Quand je lui ai annoncé que j'avais choisi la musique, il m'a dit 'tu chantes comme une savate, tu n'as aucun sens musical, laisse tomber, trouve un boulot correct où tu auras des chances de briller'", raconte-t-il. Puis, il poursuit : "Il m'en a voulu. Et quand je suis devenu junkie, il a coupé les ponts. Avec le temps, il s'est ravisé. Maintenant que je suis clean, je veux aller le voir, passer du temps avec lui, parler. Je l'aime, je le respecte. Je crois qu'il est quand même un peu fier de moi."
Interview à retrouver en intégralité dans Télérama, numéro du 10 au 16 décembre 2016.