Ephémère lueur d'espoir dans un abîme de ténèbres, le prince Friso d'Orange-Nassau, deuxième des trois fils de la reine Beatrix des Pays-Bas, sortait brièvement en septembre 2012 du coma dans lequel il est plongé depuis le mois de février et un accident de ski survenu dans les Alpes autrichiennes, à Lech am Arlberg, lorsqu'il s'est retrouvé enseveli sous une avalanche. Juste le temps de sourire à son épouse la princesse Mabel, selon des confidences faites par l'ami proche de la famille Desmond Tutu, et de redonner un peu d'optimisme à la famille royale.
Puis le noir et l'attente à nouveau. Le 25 septembre, le prince Friso, père de deux adorables fillettes avec Mabel, les comtesses Luana (7 ans) et Zaria (6 ans), a eu 44 ans, inerte sur son lit d'hôpital, à la clinique Wellington de Londres. Autour, la vie continue, et quelques jours plus tard, le groupe Urenco, spécialisé dans l'énergie nucléaire, annonçait le 11 octobre que son conseil d'administration avait accepté la "démission" du prince néerlandais de son poste de directeur et directeur financier d'Urenco.
"Le 5 octobre 2012, le board d'Urenco Limited a, à son grand regret, accepté la démission de Friso d'Orange de ses fonctions de directeur financier et directeur d'Urenco. A l'issue d'une concertation entre la direction d'Urenco et les représentants de Friso d'Orange, les différentes parties sont tombées d'accord pour dire qu'Urenco avait besoin de continuité au niveau de sa direction financière et admettre que Friso n'aura pas la capacité de revenir à son poste de directeur financier dans un avenir proche compte tenu de son état de santé", a statué un communiqué publié sur le site officiel d'Urenco, compagnie basée dans le Buckinghamshire qui effectue de l'enrichissement d'uranium en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Allemagne et aux Pays-Bas, et fourni en uranium enrichi près de quinze pays dans le monde.
"Un respect sans pareil pour son intégrité, sa vision stratégique et son intelligence"
Le P.-D.G. d'Urenco, Helmut Engelbrecht, y est allé de son propre communiqué, ému, pour rendre hommage à l'apport du prince Friso à la société, qu'il avait rejointe en 2011, et louer ses qualités humaines : "La contribution de Friso à notre entreprise depuis son arrivée en 2011 est inestimable. Il a introduit une nouvelle dimension stratégique au sein de la direction de la société, a amélioré son intendance financière et a été à l'origine d'initiatives bénéfiques pour renforcer la stratégie et la pérennité du groupe. Cela a été un honneur pour moi de travailler avec Friso. Il a eu une influence exceptionnelle sur Urenco ; l'équipe et le board ont un respect sans pareil pour son intégrité, sa vision stratégique et son intelligence. Il nous manquera terriblement. Nous espérons de tout coeur qu'il guérisse et que nous puissions l'accueillir à nouveau parmi nous en temps voulu. Nos pensées vont vers sa famille, en particulier ses filles et sa femme, et nous leur souhaitons le meilleur dans ces moments difficiles."
Passé par la prestigieuse université californienne de Berkeley, où il faisait partie de la confrérie Delta Kappa Epsilon et diplômé en ingénierie aéronautique de l'Université technologique de Delft, également diplômé en économie de l'Université Erasme de Rotterdam et formé en droit et en histoire des institutions, le prince Friso avait notamment travaillé pour le compte de Goldman Sachs International (vice-président de 1998 à 2003) et la firme d'investissement et de consulting Wolfensohn & Co (directeur général à partir de 2006). Impliqué dans de multiples sociétés et membre fondateur de la compagnie aérienne low-cost Wizzair, il avait rejoint Urenco en 2011 et supervisait l'activité de quatre centrales, situées aux Pays-Bas, en Allemagne, en Grande-Bretagne, et au Nouveau-Mexique.
De toute évidence, on peut créditer la princesse Mabel de la décision délicate mais nécessaire de la "démission" de son mari le prince Friso. Au printemps, elle-même avait choisi de renoncer à son poste de P.-D.G. de The Elders, ONG créée en 2007 à l'initiative de Nelson Mandela et dont Desmond Tutu est le président, rassemblant des personnalités de grande influence autour de la réflexion sur les problématiques les plus urgentes du monde moderne en termes de paix et de droits de l'Homme. La princesse Mabel, très impliquée depuis plus de quinze ans sur la scène philanthropique et qui supervisait le fonctionnement quotidien de l'organisme depuis juillet 2008, avait décidé suite au diagnostic concernant son mari de démissionner de son poste, au grand dam de Tutu qui avait alors déploré "une grande perte".