A New York, Cécilia Attias savoure au quotidien l'oubli du tapage médiatique qui l'entourait lorsqu'elle était l'épouse de Nicolas Sarkozy. Certes, Big Apple est sans doute une des mégalopoles les plus frénétiques, mais Cécilia s'y délecte de sa vie magique, active et sereine, de mamie comblée, de femme aimée, et de personnalité engagée.
Aussi ses apparitions publiques, en dehors des galas de bienfaisance et mondanités occasionnelles, se font-elles particulièrement rares. Quand elles ont lieu, elles sont dûment motivées. Et c'est le cas de l'interview qu'elle a dernièrement accordée à Olivia Bellamy pour Le Parisien (dans son édition du 9 avril 2010), dans laquelle elle ne parle pas tant d'elle que de... son illustre arrière-grand-père, le compositeur espagnol et contributeur phare de la musique occidentale Isaac Albeniz. Un attachement qui s'exprimait déjà dans son patronyme : Cécilia Ciganer-Albeniz avait décidé d'accoler ce nom - celui que portait sa mère Diane - à celui de son père André, descendant notamment des Tziganes de Moldavie, et c'est sous cette identité qu'elle évoluait avant de devenir épouse Sarkozy puis épouse Attias en mars 2008.
C'est à l'occasion de la parution d'un livre-disque hommage, bientôt 101 ans après la mort du prodige ibérique, qui donna son premier récital de piano à l'âge de 4 ans avant de marquer l'histoire par ses oeuvres pour piano inspirées du folklore espagnol (Iberia en étant la pièce-maîtresse, à l'instar de La Suite espagnole, dont est extrait le mouvement ensorcelant Asturias, que Nicolas Sarkozy avait fait jouer par la garde républicaine lors de son investiture en 2007, puis devenu musique d'attente officielle de L'Elysée), que Cécilia a livré quelques confidences très personnelles...
Elle-même citoyenne du monde, Cécilia Attias déplore qu'Albeniz, qui avait adopté la France en 1893 après de nombreux séjours et à qui le philosophe Vladimir Jankélévitch, féru de musicologie (Fauré, Ravel, Debussy et Liszt furent ses principaux objets de pensée), avait consacré une partie de sa réflexion (La présence lointaine, Seuil), n'ait pas la place qu'elle lui estime due dans notre pays : "Il vit encore son purgatoire, constate-t-elle. Maman disait toujours que la France tardait à lui rendre l'amour qu'il lui portait. A New York, sa musique est diffusée très souvent sur l'équivalent de Radio Classique. En Allemagne, il est considéré comme l'égal des plus grands. En France, on croit encore qu'il s'agit d'un compositeur folklorique. Debussy et Ravel le tenaient pourtant en très haute estime. Et il est mort en France, à Cambo-les-Bains."
Extatique, Cécilia Attias rappelle l'enfant qui "se sauvait de chez lui pour découvrir le monde et donner des concerts" : "Il s'est émancipé à 12 ans ! (...) Il a eu une vie passionnante. Ce n'est pas quelqu'un qui entrait dans des cases". Cela vous fait penser à quelqu'un ? Une filiation irréfutable... Et un héritage : outre les valeurs, Cécilia Attias, qui souligne que le nom d'Albeniz perdure au travers de ses trois frères (tandis qu'elle l'a abandonné en se remariant), a constitué une petite collection personnelle de grande valeur affective - le "piano de travail sur lequel il répétait lorsqu'il était dans sa loge. Des partitions, un autoportrait, des tableaux".
Interrogée sur la suite Iberia, elle avoue n'avoir pas pu la jouer au piano, un instrument dont elle a abandonné l'apprentissage à 12 ans. 12 ans, c'est également l'âge de Louis, fils qu'elle a eu avec Nicolas Sarkozy et qui vit avec elle et Richard : "Il a pris des cours de piano, mais il n'a pas persisté. J'aurais peut-être dû le pousser davantage (...) Mais il aime beaucoup la musique classique. Profondément."
Concernant le projet publié par les éditions Actes Sud, Iberia, CD comprenant la suite du même nom dans une interprétation de l'incontournable Jean-François Heisser (spécialisé depuis quelques années dans la musique espagnole), agrémenté d'un livre de 70 pages de textes et photos, Cécilia ne parjure pas l'esprit critique acéré qu'on lui connaît dans son commentaire : "C'est une interprétation personnelle, mais d'un très haut niveau. C'est également un joli objet, élégant, avec des photos sublimes, même si un peu trop folkloriques à mon goût, mais bien fait."
Un rendez-vous avec un chapitre non négligeable de l'histoire de la musique classique à ne pas manquer. Et, à propos de rendez-vous, le prochain avec Cécilia Attias est programmé fin juin, à New York bien entendu, où elle organisera "une table ronde" baptisée Dialogue for Action dans le cadre des activités de la fondation qui porte son nom en faveur des femmes en difficulté.
G.J.