Sorti il y a un mois en Autriche, le livre de Natascha Kampusch est désormais disponible en France. C'est l'éditeur JC Lattès qui a décroché la timbale, car le récit de cette jeune Autrichienne de 22 ans, enlevée à l'âge de 10 ans à la sortie de l'école et séquestrée pendant 8 ans, est unique. Le livre s'intitule 3096 jours, comme le nombre de jours restés en captivité sous le joug de Wolfgang Priklopil.
La presse autrichienne a déjà publié quelques passages choc du livre. Natascha y raconte la violence, quasi constante, les humiliations, ses tentatives de suicide et décrit ce Priklopil obsédé par la propreté qui l'obligeait à se raser la tête, pour ne pas laisser traîner de cheveux - aussi pour ne pas laisser de traces en cas de descente de police -, ou qui lui interdisait de porter des vêtements dans la maison, pour ne pas être tentée de s'enfuir.
De passage en France pour la promotion du livre, Natascha Kampusch a rencontré une journaliste du Point (dans son édition à paraître ce jeudi 28 octobre, l'hebdomadaire consacre à copieux dossier à la jeune femme). Natascha y reconnaît entre autres supplices que son agresseur l'attachait par un collier de serrage à ses côtés la nuit et l'a contrainte à des relations sexuelles. La journaliste écrit : "Elle prie qu'on lui accorde cette ultime intimité en ne posant aucune autre question à ce sujet." Natascha a toujours été d'une immense discrétion quant à cette question. Lors qu'elle compte par exemple, elle ne prononce pas le chiffre six, qui en autrichien se prononce comme "sexe".
Ce que l'on apprend de l'entretien, c'est la manière dont il utilisait la nourriture pour la soumettre. Natascha Kampusch : "Il voulait me voler mon énergie pour que je ne puisse pas me débattre, que je ne pense plus à l'évasion. En me privant, il m'a empêchée de penser. Quand on a très faim, toutes les pensées tournent autour de la nourriture et de rien d'autre. Et on a très froid, très, très froid, on a le vertige. Il fait noir, très sombre."
Aujourd'hui encore, elle se demande pourquoi il l'a choisie, parce qu'il l'a repérée sur une photo de classe : "Cela réveille des questions dans ma tête, dit-elle. Comment l'a-t-il vue ? De qui a-t-il obtenu cette photo ? Et puis comment lui est-il venu à l'idée que, parmi ces enfants, ce serait moi sa victime ?"
Dans son livre, elle explique lui avoir dit, quelques mois avant sa fuite : "Tu nous a mis dans une situation dans laquelle seul un de nous deux peut survivre." Elle n'avait pas tort. Quelques heures après la fuite de Kampusch, Wolfgang Priklopil met fin à ses jours. Elle l'apprend de la bouche des policiers : "Un sentiment de chaleur, de sécurité envahissait tout mon corps. Ma tête était légère. Wolfgang Priklopil n'était plus. C'était fini. J'étais libre."
Au Point, l'ancienne prisonnière explique vivre seule, revoir sa mère régulièrement, mais pas son père. Ce dernier a voulu monnayer ses interviews après la libération de sa fille. Natascha Kampusch voudrait passer le bac en candidate libre. Elle loue, seule, un appartement dans Vienne, avec l'angoisse que son propriétaire y pénètre sans l'en avertir. Elle ne reçoit aucune aide de l'Etat, a seulement reçu ses arriérés d'allocations familiales. Elle vit grâce aux deux interviews qu'elle a monnayées pour la presse et la télévision autrichienne.
Dans le Point toujours, après l'interview, il y a un portrait étonnant de cette jeune fille. C'est le psychanalyste et écrivain Michel Schneider qui l'a rencontrée. Il explique que la première chose que Natasha a demandée en sortant de sa prison fut une montre. Pourtant, quatre ans après, elle fait attendre une demi-heure au restaurant, puis une heure encore pour se faire maquiller : visage très blanc, simple surlignage rose des lèvres, explique-t-il, elle apparaît comme une princesse ravissante jusqu'aux épaules, mais, ensuite, elle a un buste épais et elle est ronde. Etonnamment, elle ne porte aucune montre... Il émane d'elle un charme noir et son regard n'est pas, aujourd'hui encore, un regard de face. Schneider explique qu'elle a aimé son ravisseur, qu'elle l'aime encore et l'aimera toujours. Le voleur de sa vie est mort, mais qu'a t-il emporté de celle de Natasha, demande Michel Schneider ? Il pense (à raison) que jamais elle ne lui pardonnera le mal qu'elle lui a fait en s'échappant. "Elle dit qu'elle l'a tué, lui qu'elle s'était mise à aimer pour qu'il ne la tue pas". Une vie entière où elle sera embrouillée dans ses contradictions, ses peurs, ses rêves, ses envies et ses angoisses ?
Natascha Kampusch ne dit toujours pas ce qu'elle compte faire de la maison de Priklopil, dont elle a héritée : "J'y vais lorsqu'il faut relever les compteurs d'électricité, je n'y vais jamais seule. Il a fallu que je change le compteur d'eau."
3096 jours, de Natascha Kampusch, aux éditions JC Lattès, 250 p., 19€
Retrouvez l'intégralité de cette interview dans Le Point, à paraître le 28 octobre 2010