"Retapé", "ressuscité", chante Renaud de sa voix amochée dans Toujours debout, chanson-titre et postulat de son nouvel album, à paraître vendredi 8 avril. Quinze ans après leur duel dans un Boucan d'enfer déjà sur fond de terrorisme (Manhattan-Kaboul), "Docteur Renaud" semble avoir trouvé la formule pour apprivoiser "Mister Renard" et le détourner d'une vie de Ricard. Six mois qu'il est sobre, répète l'artiste repentant tout au long de son marathon promotionnel ; bientôt sept, de fait.
Bien sûr, je pensais à la mort.
"Avant, j'étais alcoolique au dernier degré, retrace-t-il encore pour le JDD (édition du 3 avril 2016). Je carburai à un litre de Ricard par jour. Je me perdais. Peut-être pas dans un désir de mort mais de laisser-aller et d'errance, sûrement. Bien sûr, je pensais à la mort. À peine levé, j'avais des vertiges, je ne marchais plus droit, je gerbais mon premier café du matin, puis mon premier verre..." Même les témoignages de fans, supporters inoxydables, ne peuvent enrayer la mécanique de l'alcoolisme morbide : "Ben non, leurs encouragements ne m'ont pas relevé. (...) Je leur disais de m'oublier. Et la phrase qui revenait vers moi le plus souvent (...), c'était 'non, Renaud, on a besoin de toi'. J'ai entendu ça pendant des années, que ce soit ici, à La Closerie ou à L'Isle-sur-la-Sorgue. Maintenant, j'ai repris un appart' à 200 m de La Closerie et je suis bien content."
Allant jusqu'à envisager une "option milk bar pour [lui]" dans le biker bar qu'il envisage d'installer à Arcueil avec son copain l'écrivain Henri Loevenbruck, Renaud n'ignore pas que la guerre n'est pas encore gagnée et que le combat durera toujours, mais se fait fort de nouvelles certitudes : "Dès 2002, au moment de Boucan d'enfer, j'avais commencé un livre sur mes années d'errance à La Closerie. En fait, l'histoire se répète, quand je suis revenu avec Manhattan Kaboul, je sortais pareil d'une période de sept ans d'alcool avec Roda-Gil, Titi Bucolo [qu'il a remplacé par Michaël Ohayon pour son nouvel album et qui ne fera pas la tournée, NDLR]... Les journaux parlaient déjà d'une renaissance, d'un retour gagnant, etc. Comme aujourd'hui. L'histoire est un éternel recommencement, mais je ne suis plus le même."
Malone écrit sur des musiques de Romane, ma seconde ex-femme, il a un vrai talent.
Parmi les choses qui n'existaient pas alors et que Renaud veut aujourd'hui vivre plus que tout, il y a sa relation avec Malone, son fils de bientôt 10 ans, né un jour de Fête nationale de son mariage (2005-2011) avec Romane Serda. "Je suis passé à côté de son enfance", se flagelle ça et là le chanteur de 63 ans, également père de la grande Lolita, 35 ans, récemment séparée de Renan Luce, et grand-père d'une petite Héloïse qui donne son prénom à l'une de ses nouvelles chansons. "J'étais couché à minuit, je me levais à midi et j'étais lessivé, raconte-t-il à Sud-Ouest Dimanche. Je tremblais, j'avais mal partout et je devais amener ma bouche au café plutôt que le contraire. Les ravages de l'alcool. Pastis et bière. Je n'ai pas lu un livre pendant près de huit ans. Je redécouvre mon fils alors qu'il a 10 ans."
10 ans, et plein de promesses, puisque son père n'hésite pas à le présenter au JDD comme la relève : "Mon fils, ce Petit Bonhomme que je chante dans le disque, est un auteur. Il marche sur les traces de son père et de son grand-père [Olivier Séchan était écrivain et a reçu le Prix des Deux Magots pour son roman policier Les Corps ont soif, NDLR] ! Je l'ai inscrit à la Sacem, il écrit sur des musiques de Romane, ma seconde ex-femme, il a un vrai talent. Je suis fier de lui, il ne se rend pas compte de ce que ça représente, mais auteur à 10 ans ! Je suis passé à côté de son enfance pour raison d'alcoolémie, mais maintenant il m'appelle papa, avant il m'appelait Renaud. Bien sûr, c'est aussi lui qui me donne envie d'être debout et présent dans le monde. Je le redécouvre. Je voudrais vivre son adolescence comme je n'ai pas vu son enfance." "Il me tient la main, on joue ensemble. On parle ensemble", complétait-il récemment dans Causette.
Plus jamais
Présent dans le monde, Renaud l'est à nouveau. Après les attentats du mois de novembre 2015 à Paris, on le voyait ressurgir place de la République pour scander "Même pas peur !" ; après les attentats de mars 2016 à Bruxelles, ville où il enregistrait à l'automne son nouvel album dans les studios ICP, il y était sur scène trois jours après, en compagnie de ses amis de I Muvrini. Triste hasard, puisque le spectacle était programmé "de longue date". Renaud a profité de l'occasion pour se recueillir place de la Bourse avec une très vive émotion, évidente dans les images que nous vous proposons. Il voulait aussi visiter à l'hôpital près de Molenbeek des adolescents et des enfants blessés : "Les médecins militaires m'ont refoulé car je n'étais pas de la famille. Mais, putain ! Les Belges sont mes petits frères, ils m'ont aimé avant la France", s'insurge-t-il.
Insurgé, il l'est aussi, toujours, sur le versant politique : "Plus jamais je ne voterai socialiste", a-t-il ainsi affirmé à Sud-Ouest dimanche. L'accord signé avec la Turquie est honteux. Comme tout ce que fait cette soi-disant gauche au pouvoir : la déchéance de nationalité, la réforme du code du travail... Des choses que même la droite n'aurait pas osé initier." Dans son entretien au Journal du dimanche, il prolonge : "Je vais peut-être voter pour un François Fillon que je pense être un parfait honnête homme, un vrai républicain. Mélenchon, c'est le gauchisme, l'aventurisme, un idéalisme désuet." Quant à l'horizon de la présidentielle 2017 : "Bah... On aura Juppé ou Fillon contre Le Pen, forcément. Je ne vois pas de joker pour le moment, prophétise-t-il, fataliste, lui qui se dit "sûr d'avoir des lepénistes dans [s]on public" et se demande juste ce qu'il pourrait faire pour les faire évoluer.
Renaud, Toujours debout (Warner), sortie le 8 avril 2016, simultanément à la parution chez Actes Sud d'une compilation de ses meilleures chroniques pour Charlie Hebdo.