Il a passé vingt-six années en prison pour des faits qu'il a toujours nié avoir commis. L'ex-détenu Roger Knobelspiess, célèbre truand reconverti à l'écriture, est mort dimanche 19 février à l'âge de 69 ans dans un hôpital du Sud de la France. C'est son frère, Jacques Knobelspiess, qui a confirmé la nouvelle à l'AFP, ajoutant que les obsèques seraient prochainement célébrées à Elbeuf, en Seine-Maritime, d'où la famille est originaire.
Condamné à quinze ans de prison en 1972 pour avoir braqué une station-service, Roger Knobelspiess avait toujours clamé son innocence en fournissant un alibi. De cette injustice est née une révolte qu'il a menée toute sa vie. Depuis sa cellule, il avait publié un premier livre en 1980 intitulé QHS : quartier haute sécurité, qui s'était vendu à plus de 300 000 exemplaires et qui avait poussé le gouvernement à fermer ces quartiers. En 1981, il avait été gracié par le président François Mitterrand peu après son élection mais Roger Knobelspiess disait ne pas pouvoir pardonner cette "vraie erreur judiciaire". "On m'a volé toutes ces années de ma vie pour quelque chose que je n'avais pas commis", avait-il déclaré.
La délinquance était une nécessité
En 1983, il était retourné derrière les barreaux pour un second braquage qu'il niait encore avoir commis. À l'époque, celui qui avait rencontré en prison Jacques Mesrine (il est d'ailleurs l'auteur d'une BD sur l'ennemi public numéro un, Mesrine, l'évasion impossible, sortie en 2008), s'était coupé une phalange en signe de protestation avant d'être acquitté en janvier 1986. Le combat pour la liberté de ce voyou-pourfendeur des erreurs judiciaires et de l'enfermement avait fédéré de nombreux intellectuels, d'Yves Montand à Simone Signoret, en passant par Léo Ferré, Jacques Higelin (qui lui avait dédié sa chanson Ballade pour Roger) et le dessinateur Georges Wolinski.
Après un nouveau séjour en prison en 1987, où il avait été condamné à sept ans d'emprisonnement pour une fusillade contre des policiers, il avait été libéré en 1990 puis avait écrit plusieurs autres ouvrages, notamment son autobiographique Désordres de mémoire (2004). Roger Knobelspiess avait aussi connu une jeunesse faite de petits vols qui ont coûté la vie à son frère Jean, abattu par un commerçant pour un vol d'autoradio. Une jeunesse qu'il racontait dans Voleur de poules, également adapté en BD. "La délinquance était une nécessité, je ne voulais pas être pauvre", avait-il dit.
Roger Knobelspiess avait également tourné des petits rôles au cinéma et à la télévision. Les spectateurs avaient notamment pu le découvrir dans Capitaine Conan de Bertrand Tavernier et dans des téléfilms réalisés par Jean-Pierre Mocky. "J'ai même incarné un flic. J'ai aussi écrit quelques scénarios", avait-il confié. C'est d'ailleurs le monde du septième art qui lui avait permis de rencontrer celle qui fut sa compagne pendant plusieurs années, l'actrice Marie Rivière. Le couple a eu un fils, François, né en 1988.