Ce n'est pas que l'histoire d'un mauvais timing. Ce lundi 30 octobre, Roman Polanski sera devant les photographes et une flopée d'invités, pour assister à l'ouverture de la grande rétrospective que lui consacre la Cinémathèque de Paris. En ces temps de scandale Weinstein, auquel n'a pas échappé le cinéaste franco-polonais (il a été récemment accusé d'agression sexuelle sur mineurs par deux femmes, Renate Langer début octobre et Marianne Barnard plus récemment encore), il faut bien avouer qu'il ne fait pas bon promouvoir et rendre hommage à un homme accusé par plusieurs victimes.
Face à ce nouveau scandale, la Cinémathèque a tenu à répondre le plus clairement possible par la voix de son patron, Costa-Gavras. Dans un communiqué, également signé par Olivier Assayas et de Nathalie Baye, membres du bureau du Conseil d'administration, et de Frédéric Bonnaud, directeur général de l'institution, le réalisateur d'Amen n'a pas mâché ses mots et "n'entend se substituer à aucune justice". "Son rôle de Musée du cinéma ne consiste pas à placer qui que ce soit sur un quelconque piédestal moral. Ceux qui nous reprochent cela ne mettent jamais les pieds dans nos salles et ignorent tout de nos missions de conservation et de transmission", se défend l'institution. La direction va plus loin en affirmant n'avoir "donc rien à débattre avec des gens qui exigent de La Cinémathèque française l'abandon de sa mission fondamentale : montrer inlassablement l'oeuvre des grands cinéastes".
Il faut dire que Costa-Gavras est un fervent défenseur de Polanski. En septembre 2009, il était signataire d'une pétition dénonçant l'arrestation de Roman Polanski. Dans la foulée, il avait déclaré sur Europe 1 : "Mais vous avez vu les photos ? Elle fait 25 ans ! Donc, il faut cesser de parler de viol." L'année suivante, en 2010, il récidivait, cette fois dans Les Grandes Gueules de RMC. Le cinéaste franco-grec avait alors estimé que "l'affaire Polanski [avait] assez duré" et que son confrère avait raison de ne pas se rendre à la justice américaine, laquelle n'avait qu'une envie : le mettre derrière les barreaux pour une "erreur de jeunesse". En février dernier, face à la polémique qui a forcé Polanski à refuser la présidence des César, il confiait à Stéphane Bern dans l'émission À la bonne heure qu'il fallait "en finir avec l'histoire de Polanski".
Pour autant, la Cinémathèque est loin d'être seule contre tous. La ministre de la Culture, Françoise Nyssen a apporté son soutien, timide mais réel. "Il s'agit d'une oeuvre, il ne s'agit pas d'un homme, je n'ai pas à condamner une oeuvre", a-t-elle déclaré au micro de France Inter.
En marge de l'événement, en plus d'une pétition qui a recueilli plus de 25 000 signatures, l'association Osez le féminisme ! a prévu de manifester devant la Cinémathèque afin de dénoncer cet hommage qui participe "à la culture de l'impunité des violences masculines". À 20h sera néanmoins projeté le dernier long métrage de Roman Polanski, D'après une histoire vraie, dans lequel il dirige sa femme Emmanuelle Seigner ainsi qu'Eva Green, l'une des victimes... d'Harvey Weinstein.