Grande figure légendaire du cinéma asiatique, Run Run Shaw s'est éteint mardi 7 janvier à son domicile de Hong Kong. Il tire sa révérence à l'âge de 106 ans. Non content d'avoir marqué l'industrie du cinéma asiatique pendant la quasi-totalité du XXe siècle, Run Run Shaw a influencé par son engagement et ses convictions en matière de cinéma des artistes locaux comme John Woo, mais ce sont également des Occidentaux aujourd'hui mondialement connus (Quentin Tarantino, Keanu Reeves) qui ont grandi et évolué avec ses films.
Pour tout savoir des débuts de la carrière de Sir Run Run Shaw, il faut remonter à 1927. À l'âge de 19 ans, il suit l'un de ses trois grands frères (Runme Shaw) à Singapour pour lancer une société qui deviendra les studios Shaw Brothers, firme à laquelle l'histoire du cinéma asiatique doit environ un millier de productions. En 1931, Run Run Shaw appose son nom au générique du premier film chinois parlant. Parmi les oeuvres cultes que ses studios produiront, on trouve La 36e Chambre de Shaolin ou encore La Main de fer, le premier film originaire de Hong Kong a avoir été exporté aux États-Unis.
Des échecs, Run Run Shaw n'en connaît que peu. Il en reste néanmoins un gravé dans l'histoire, lorsqu'il laissa échapper Bruce Lee, alors inconnu, pour des raisons de salaire. Le comédien filera chez Golden Harvest, une maison de production hong-kongaise rivale fondée par un ancien employé des frères Shaw, Raymond Chow. Il pourra néanmoins se targuer d'avoir coproduit Blade Runner, film culte de Ridley Scott, ou d'avoir envoyé Gordon Liu jouer le maître de kung-fu dans Kill Bill, de Quentin Tarantino.
Fait chevalier par la reine Elizabeth II en 1977 pour son soutien à la Croix-Rouge, le producteur milliardaire est un philanthrope. Le Shaw Prize, qui récompense chaque année des scientifiques, dans les domaines de l'astronomie, des sciences médicales ou biologiques et les mathématiques par une dotation d'un million de dollars, est encore à l'image de l'engagement de cet homme, qui a vite dépassé les frontières du septième art après avoir dominé de la tête et des épaules les années 60 et 70. Connu pour avoir été celui qui a introduit l'art du kung-fu au cinéma, Run Run Shaw avait reçu pour son 100e anniversaire un prix d'honneur pour l'ensemble de sa production au Hong Kong Film Awards. L'année dernière, l'Académie des BAFTA lui avait également décerné un prix spécial pour service rendu à l'industrie du cinéma.
Côté vie privée, Run Run Shaw a été marié à deux reprises. Sa première femme, Lily Wong Mee-chun, est morte en 1987 à l'âge de 85 ans. C'est elle qui mettra au monde les quatre héritiers du légendaire producteur. Quatre enfants, dont deux garçons (Vee Meng et Harold) et deux filles (Violet et Dorothy), qui ont tous le point commun d'avoir étudié à Oxford. En 1997, dix ans après la mort de sa femme, il se remarie à Las Vegas avec une ancienne chanteuse, Mona Fong. Ils s'étaient connus en 1969 lorsqu'elle avait intégré l'équipe de la TVB, une chaîne cofondée par Run Run Shaw.