Les amateurs de sport se souviennent sans doute de sa médaille d'or en canoë biplace aux Jeux d'Atlanta en 1996 mais eux, comme les autres, découvrent aujourd'hui différemment Wilfrid Forgues. Depuis environ six mois, c'est désormais sous le prénom Sandra qu'on la connaît. Elle raconte sa transition de genre dans les pages de L'Équipe.
Je restais paralysée pendant une demi-heure
C'est en septembre 2016 que Sandra a pris la décision d'entamer sa transition. Il y a un événement qui a tout fait basculer alors que, jusque-là, elle menait "un combat au quotidien" et s'était construit "un mur social". "Ce moment est très précis et très bête. (...) Un jour, ma femme a eu besoin d'aller chercher des Lego dans une pièce où elle n'allait jamais et où je cachais mes affaires. Mes vêtements [féminins] séchaient pile sur les boîtes de Lego. J'ai alors tout mis sur la table", dit-elle.
Un mal pour un bien... "Ces dernières années, je souffrais vraiment. Je regardais des vidéos sur internet de personnes ayant fait leur transition et je restais paralysée pendant une demi-heure. Je savais que, pour être heureuse, il fallait que je fasse cette transition et que je devienne une personne transgenre. (...) Jusque-là, j'avais une vie sociale, familiale et professionnelle vraiment réussie. Tant que je n'en souffrais pas fortement, je privilégiais le plus confortable, c'est-à-dire ma vie sociale d'homme, tout en vivant des moments féminins en aparté, en cachette, pour pouvoir me supporter", ajoute-t-elle.
Je n'ai jamais eu aussi peur
À 48 ans, Sandra a alors décidé de reprendre sa vie en main afin de trouver son bonheur personnel car sa "vie intime était en prison". "Ma femme a été extraordinaire. Elle a essayé de comprendre la douleur, car il y avait une trahison. (...) Elle a compris, mais elle ne voulait pas vivre avec une femme, donc on a dû se séparer", dit-elle. Elles restent d'ailleurs proches. Il a aussi fallu l'annoncer à leurs enfants, le couple ayant eu un fils aujourd'hui âgé de 16 ans et une fille de 20 ans. "Je n'ai jamais eu aussi peur. J'avais peur de les abîmer. (...) Quand ils ont appris ça, tout leur schéma mental lié au père a été bouleversé", dit-elle. Après un rejet assez long de leur part, les choses se sont finalement nettement améliorées et elle aide même son fils qui fait du kayak.
Professionnellement aussi, elle a eu beaucoup de chance puisqu'elle dit avoir été très soutenue à son travail, elle qui est présidente administration du CREPS de Toulouse. En revanche, au niveau de l'État, tout n'est pas encore simple car ses papiers d'identité sont toujours à son ancienne identité. "Avant, il fallait être opérée sexuellement. Aujourd'hui, ce n'est plus obligatoire", dit-elle. Elle "monte un dossier" pour obtenir le changement de nom tout en continuant sa transition. Ce sont des difficultés que rencontrent de nombreuses personnes trans et dont parlait cette semaine Jonas Ben Ahmed (Plus belle la vie) sur le plateau de Quotidien. Sandra reçoit un traitement hormonal qui agit sur plusieurs parties du corps. "Après, c'est beaucoup plus intime et des interventions plus lourdes, dit-elle, en faisant référence au changement de sexe. "Pour moi, l'objectif est d'être perçue socialement comme une femme."
Thomas Montet