Après des trois années d'enquête dans les EHPAD privés, le journaliste Victor Castanet a dévoilé à la presse en ce mois de janvier son livre, Les Fossoyeurs (éditions Fayard). Ses interventions médiatiques ont fait l'effet d'une bombe, au point de faire chuter la cote en bourse du groupe Orpéa, pointé doigt dans cet ouvrage qui met en lumière la maltraitance subie par les personnes âgées dans les établissements spécialisés du groupe. Sur le plateau de C à vous le 25 janvier, l'auteur de cet ouvrage édifiant a révélé avoir été approché avec beaucoup de billets d'euros pour se taire.
Quand le chroniqueur Matthieu Belliard souligne que l'auteur des Fossoyeurs s'est vu proposer de l'argent pour arrêter d'enquêter, Victor Castanet développe le sujet : "J'ai subi pendant cette enquête un certain nombre de pressions pour éviter d'aller au bout de cette investigation. Effectivement, il est arrivé à la moitié de mon enquête qu'un intermédiaire me propose une importante somme d'argent pour me dissuader d'aller au bout. C'était 15 millions." L'animatrice de l'émission Anne-Elisabeth Lemoine a du mal à en croire ses oreilles, se répétant ce chiffre impressionnant.
Sans surprise par contre, les affirmations du journaliste indépendant sur des personnes âgées "rationnées" ou laissées sans soin pendant des jours face à l'obsession de la réduction des coûts au sein des maisons de retraite Orpea qui se traduit par de graves "dysfonctionnements", a suscité des turbulences boursières pour le groupe et les protestations outrées de sa direction.
Après la publication de ces accusations qui ont démarré dès lundi 24 janvier dans les colonnes du Monde, le titre Orpea à la Bourse de Paris a baissé de plus de 16%, avant que sa cotation ne soit suspendue, à la demande du groupe, indique l'AFP. Et d'autres gestionnaires privés de maisons de retraite ont également fait les frais de cette polémique : au cours de la séance, le titre Korian a perdu plus de 14% et celui de LNA santé plus de 5%, dans un marché globalement en très forte baisse de près de 4%.
"Nous contestons formellement l'ensemble de ces accusations que nous considérons comme mensongères, outrageantes et préjudiciables", a réagi dans un communiqué la direction d'Orpea transmis à l'AFP, fustigeant des "dérives sensationnalistes" et une "volonté manifeste de nuire". Le groupe indique avoir saisi ses avocats pour donner "toutes les suites, y compris sur le plan judiciaire", à la publication du livre, afin "de rétablir la vérité des faits". "Nous avons toujours placé la qualité avant le financier", s'est défendu lors d'un point presse le directeur général du groupe, Yves Le Masne. Selon lui, les témoignages à charge recensés dans le livre émanent d'une minorité d'anciens collaborateurs de l'entreprise qui ont nourri une "rancoeur" à son encontre après l'avoir quittée. Le directeur général pour la France, Jean-Christophe Romersi, a formellement démenti les accusations portant sur de supposés rationnements, notamment des protections hygiéniques des résidents. "Nous n'avons jamais demandé le moindre rationnement. Il n'a jamais été question de sacrifier la moindre prise en charge, ça ne correspond ni à nos directives, ni à nos valeurs", a-t-il insisté.
Brigitte Bourguignon, ministre déléguée en charge de l'Autonomie qui a notamment en charge la question des EHPAD, a réagi au scandale via son compte Twitter : "Pour que lumière soit faite sur les faits graves évoqués dans le livre de Victor Castanet, je convoque le Directeur Général d'Orpéa dans les plus brefs délais, sur demande d'Olivier Véran. J'ai une pensée émue pour les résidents d'#EHPAD, leurs familles et les professionnels."
Les Fossoyeurs de Victor Castanet, éditions Fayard, en librairies dès le 1er février 2022