Déchu du piédestal sur lequel ses sujets le plaçaient par une série de scandales retentissants, qui ont précipité son déclin personnel et la fin de son règne (1975-2014), le roi Juan Carlos Ier d'Espagne se serait très certainement bien passé d'une nouvelle curée médiatique maintenant qu'il se fait discret. Mis, tandis que son fils Felipe a repris le flambeau depuis le 19 juin 2014 avec beaucoup de sérieux et qu'il savoure une retraite émaillée de quelques rares apparitions honorifiques, l'ancien monarque est rattrapé par sa face cachée...
Juan Carlos "très épris" de sa maîtresse Corinna : le scandale n'est pas terminé
En Espagne, un nouveau brûlot décape le vernis de l'image de l'ancien souverain et stigmatise le téléscopage entre sa vie privée et sa vie publique, notamment par le prisme de sa relation avec sa très bonne "amie" l'aristocrate allemande Corinna zu Sayn-Wittgenstein. Trois ans après La Soledad de la Reina (La Solitude de la reine), ouvrage que la très respectée Pilar Eyre consacrait à la reine Sofia et dans lequel elle questionnait déjà le comportement d'un Juan Carlos volage, une autre journaliste réputée s'attaque directement à cette figure patriarcale qui a guidé l'Espagne lors de la transition démocratique et vers la modernité : Ana Romero, ancienne spécialiste de la Maison royale pour le journal de centre-droite El Mundo et collaboratrice de la BBC et Radio France, publie Final de partida (Fin de partie), dont les 25 000 premiers exemplaires ont vite été épuisés.
Comme son titre l'indique, et comme son auteure l'a explicité lors d'une conférence de presse, Fin de partie chronique "la fin d'une époque, quand les Espagnols ont tourné le dos à Juan Carlos I". Un épilogue pourri par plusieurs scandales, venus plomber irrémédiablement l'image d'un monarque déjà de plus en plus diminué physiquement : outre l'affaire de détournement de fonds de l'Instituto Noos dans laquelle sa fille Cristina et son gendre Iñaki Urdangarin ont été mis en examen, l'épisode du Botswana, en avril 2012, a porté un coup fatal à l'ancien homme fort du pays, quand ses sujets - qui le tenaient en haute estime - ont découvert, effarés, qu'il était parti en voyage en Afrique non pas pour les intérêts de la nation, mais pour chasser l'éléphant. Une découverte qu'ils n'auraient probablement jamais faite si le roi n'avait pas fait une mauvaise chute l'obligeant à se faire hospitaliser... Bilan : une hanche cassée (et des interventions en cascade), une réputation en miettes, et des excuses publiques inédites...
Dans ce chapitre peu glorieux, un personnage secondaire n'a pas tardé à focaliser l'attention : la sémillante aristocrate Corinna zu Sayn-Wittgenstein, qui était du voyage au Botswana et serait la maîtresse de longue date du roi à la réputation de coureur de jupons - dont Lady Di fit supposément les frais. Ana Romero, qui concentre son enquête extrêmement documentée (des entretiens avec une centaine de personnes) sur les quatre dernières années du règne de Juan Carlos, affirme ainsi que ce dernier, "très épris", "menait une double vie" et étaye l'idée déjà largement évoquée que le monarque aurait longtemps voulu divorcer de la reine Sofia, dissuadé par son entourage. Dans d'autres versions (celle de Pilar Eyre, notamment), c'est la reine bafouée qui aurait fait le sacrifice de rester, pour le bien de la nation. L'ancien "couple" royal vivrait depuis longtemps dans des appartements séparés au palais...
La reine Sofia plus lynx que lynchage...
A l'inverse d'un Juan Carlos désavoué, la reine Sofia continue de jouir d'une grande popularité, tant pour son abnégation que pour ses qualités de dame de coeur lors de ses missions publiques. Coïncidence amusante, alors que le scandale du Botswana, qui avait coûté à son époux sa position de président d'honneur de WWF Espagne, revient sur le devant de la scène, elle suscitait vendredi dernier l'admiration en se rangeant du côté de la faune sauvage : dans une ferme animalière de la région de Tolède, Sofia d'Espagne participait à la remise en liberté de deux lynx ibériques, des femelles nommées Lava et Lila, dans le cadre d'une campagne de préservation et de réintroduction dans la région de Castille-La Manche de cette espèce de félidés menacée. Nées au Portugal dans des conditions d'élevage pensées pour les préparer à la vie à l'état sauvage, Lava et Lila ont été libérées de leurs cages de transport par une reine Sofia admirative, qui a observé, fascinée tout comme sa soeur la princesse Irene, présente également, les premiers pas prudents de ces protégées désormais lancées dans la vraie vie...