"Je tombe du placard... Certains ne me disent plus bonjour. Ils se plaignent de quoi ? Je ne savais pas que je les frappais ; en tout cas, je ne l'ai pas encore lu dans les tracts qu'ils m'envoient..." C'est ainsi que Georges Pernoud, créateur et animateur de Thalassa, réagit par téléphone avec Médiapart à la fronde de sa rédaction. Dans un article publié le 12 juin dernier, le site raconte le mal-être des journalistes travaillant pour cette émission phare de France 3 qui peine à se réinventer et dont les audiences sont en baisse.
Georges Pernoud a créé Thalassa en 1975, il présente l'émission en chair et en os depuis 1980. Alors que ce mythique magazine de la mer s'apprête à célébrer ses 40 ans, Médiapart révèle le malaise et l'incompréhension, la colère aussi, des journalistes de l'émission. "Treize des quinze reporters de l'émission ont approuvé un texte qui dénonce l'immobilisme, l'absence de ligne éditoriale et le sous-emploi des effectifs (35% de production en interne)", écrit Médiapart. Certains journalistes n'ont pas tourné depuis neuf mois car la direction fait appel à des maisons de productions extérieures qui fournissent des sujets clés en main pour Thalassa. Des sujets aseptisés, cartes postales, selon un grand reporter, collaborateur de l'émission, qui a tenu à garder l'anonymat : "La Nouvelle-Calédonie en eldorado touristique sans qu'apparaisse un Kanak ; une Algérie mensongère, aux plages immaculées – nettoyées avant chaque prise de vue..."
Ce qui a mis le feu aux poudres ? Un audit commandé au cabinet Think Out pour lequel tous les salariés ont été entendus. Mais l'étude, transmise à la direction des programmes de la chaîne, ne met l'accent sur aucun point négatif soulevé par la rédaction et préconise par exemple d'"éviter les personnages trop antipathiques, qui ne donnent pas envie de voyager, (...) d'adopter un ton négatif en continu ; d'aborder les sujets délicats sous l'angle de la solution plus que du constat."
La rédaction reproche à sa direction son "immobilisme". Elle serait "sans idées, ni courage ni désirs", "obsédée" par les seuls chiffres d'audience. Au sommaire de l'émission, on évite les questions sociales et environnementales, pas assez vendeuses. En gros, Thalassa aurait perdu de vue sa mission de Service public. Pire encore, la rédactrice en chef Laurence Bobillier est accusée de pousser les gens vers la sortie, ce dont elle se défend, visiblement très touchée par l'attaque, dans l'article de Médiapart.
Un journaliste, enfin, dresse un portrait assez triste du père de Thalassa : "Georges s'accroche comme une bernique à son rocher. Il craint de disparaître de l'antenne. Il fera tout pour rester. Jusqu'à regarder ses souliers en réunion au lieu de nous défendre ou d'exprimer une idée. Sa hantise est de devoir, en pantoufles, regarder un soir Thalassa présentée par un autre que lui." George Pernoud se défend d'abandonner ses journalistes. Il dit aussi que tout le monde se connaît parfaitement et qu'il n'aura aucun mal à mettre des noms sur les témoignages anonymes... Thalassa en pleine tempête.
Tempête sociale au sein de la rédaction de Thalassa, à lire sur Médiapart.