Qu'on ne s'y méprenne pas : en dépit de la présence rayonnante de la Québécoise Natasha St-Pier et de l'Indonésienne Anggun, deux de ses duettistes francophones sur l'album Nos fiançailles, France-Portugal, c'est bien le Portugal qui aura les honneurs, le 2 mars 2014, de Vivement Dimanche, par l'entremise de sa plus grande star : Tony Carreira.
À 50 ans, le crooner portugais fait succomber la France à son charme, que la communauté lusophone en Hexagone comme ses compatriotes connaissent bien, et pour cause : depuis plus de 20 ans, ce chanteur-né est superstar dans son pays, où ses quinze albums comme ses concerts (jusqu'à... 700 000 spectateurs à Lisbonne !) suscitent systématiquement l'effervescence. "C'est le Johnny portugais, ou Elvis, tant il est adoré, adulé, témoignait il y a quelques jours dans les colonnes du Parisien Anggun, qui revisite avec lui son tube La Neige au Sahara. Je l'ai vu signer des autographes non-stop jusqu'à 5 heures du matin après un concert ! Les Carreira, au Portugal, c'est la famille royale. Il n'y a pas un jour sans qu'on ne les voie dans les journaux."
À la faveur de son dernier album Nos fiançailles, France-Portugal, paru le 10 février et composé de duos bilingues avec de grands noms de la chanson française ou francophone (outre Natasha St-Pier et Anggun, précédemment associées dans le projet Thérèse, vivre d'amour, on trouve Vincent Niclo, Gérard Lenorman, Michel Sardou, Dany Brillant, Serge Lama, Didier Barbelivien, Lisa Angell et Hélène Ségara), un large public français commence à découvrir ce prince lusitanien. Un prince parti de rien...
"Je pensais laisser tomber..."
Car derrière l'histoire d'amour de ces "fiançailles", il y a l'histoire personnelle de cet homme né au Portugal et accueilli par la France après que ses parents ont fui la dictature dans les années 1960. Un mois après s'être déplacé au No Comment, à Paris, pour le showcase de Tony Carreira le 23 janvier, Michel Drucker ne manquera pas d'explorer avec lui, en présence de sa famille et d'autres artistes emblématiques du Portugal (notamment Lio ou la chanteuse de fado Celeste Rodrigues), cette success story remarquable. Pour le Parisien, celui que l'état civil connaît comme Antonio Manuel Mateus Antunes se souvient de son arrivée en France, à Dourdan, dans l'Essonne : "Mon père était maçon et ma mère femme de ménage. Mais lorsque je les ai rejoints à 10 ans, j'ai eu l'impression de vivre le rêve américain. Au bout de quatre mois, je parlais français. Et à 12 ans, j'ai eu un choc en voyant Mike Brant à la télé : je serais chanteur." Un objectif qu'il ne perdra pas de vue.
Ainsi, quelques années plus tard, il arrête l'école, suit une formation de boucher, travaille dans une usine de charcuterie et poursuit son rêve : "J'ai commencé à faire les bals les week-ends, comme chanteur et guitariste avec mon frère et mes cousins. Je travaillais le jour, et ma femme, Fernanda, la nuit à l'usine. On se relayait pour s'occuper de notre bébé. C'était dur. J'arrivais souvent en retard le lundi au boulot. Mais c'était une galère heureuse", raconte Tony, formé à l'école de la persévérance. Il lui en faudra, pour parvenir à ses fins, après quatre premiers albums et une participation à l'Eurovision en 1988 qui se soldent par des "fiascos". "Je pensais laisser tomber lorsqu'une nouvelle maison de disques a misé sur moi (...) Et en 1993, ça a enfin marché." Et même très bien, puisque cette année-là, il signe son premier tube avec A Minha Guitara, et décroche son premier disque d'or pour l'album Portugues de Alma e Coraçao.
Sur le canapé rouge de l'émission Vivement Dimanche, au cours de laquelle il interprète notamment sa reprise de Sous le vent avec Natasha St-Pier, Tony Carreira savourera sa réussite en compagnie de son épouse Fernanda et de leurs fils, Michael, 27 ans, et David, 22 ans. Eux n'auront pas connu les difficultés des jeunes années de leur paternel mais se verraient bien emprunter le même chemin doré : Michael "tente sa chance au Mexique dans un registre latino" ; David, quant à lui, s'est révélé en France, après deux premiers albums (N.1, A força está em nós) couronnés de succès au Portugal, avec un style plus urbain et le single Obrigado la famille, suivi tout dernièrement de Boom, tous deux annonciateurs d'un premier disque en français.