Les salaires en France sont un sujet délicat voire tabou. Cela étant, cette question fascine, notamment en temps de crise et quand il s'agit de cachets mirobolants, surtout ceux des stars françaises. Le Film Français a réalisé une enquête dense et détaillée sur les salaires des acteurs hexagonaux avec les effets de la crise. "Les candidats à la transparence ne sont pas nombreux", explique le magazine spécialisé, mais cela ne l'a pas empêché de dresser un état des lieux passionnant des salaires des stars françaises, au cinéma comme à la télévision.
Que les gros salaires lèvent le doigt
Le producteur Christophe Rossignon explique d'où viendraient les salaires impressionnants des acteurs : "C'est l'ensemble de la profession qui a contribué à faire augmenter le cachet des comédiens. Nous nous sommes parfois précipités sur les mêmes personnes - pour nous rassurer, pour rassurer les partenaires et le public, pour la promo - et pas toujours par vrai désir."
Les stars à 1,5 voire 2 millions d'euros par film ne sont pas légion : Jean Dujardin, Jean Reno, Dany Boon, Jamel Debbouze et Gad Elmaleh. Leur secret ? Ils savent se faire rares. Monsieur Ch'ti par exemple s'investit dans des projets qui l'intéressent pleinement, comme la réalisation du film Rien à déclarer, où il donne également la réplique à Benoît Poelvoorde.
Pour les femmes, la barre du million d'euros par film est rarement franchie. Toutefois, Mathilde Seigner n'aurait même pas eu à négocier son cachet de 1 million d'euros pour Camping 2. "Il lui a été proposé d'office." Heureusement pour les porte-feuilles, ce Camping a rassemblé pour le moment plus de 3,8 millions de spectateurs.
Les demandes des stars ont parfois des limites. La crise de financement oblige les producteurs à refuser des acteurs, aussi doués soient-ils. Par exemple, "Daniel Auteuil et François Cluzet, trop chers, selon l'avis de certains, seraient passés à côté de beaux rôles (Le Dernier pour la route pour Auteuil, et Bellamy pour le second)".
Des acteurs qui font des efforts
Les montants élévés des cachets de stars ont donc montré leurs limites ces derniers temps. "Les dépenses liées aux rôles principaux accusent la plus forte chute (19,1%)." Le bras de fer entre agents et producteurs se relâche, notamment pour les premiers rôles : "Ce sont eux qui ont fait les plus gros efforts", estime Bertrand de Labbey (Artmédia).
Sur les films d'auteurs, c'est souvent le minimum syndical. Les comédiens mettent une partie de leur salaire en participation. Gérard Depardieu, "souvent co-producteur de ses films, est capable de se contenter du minimum syndical - comme sur Mammuth - pariant sur le succès du film". Le projet était ambitieux, les réalisateurs Gustave Kervern et Benoît Delépine l'ont confirmé, sans Depardieu le film ne se serait pas fait.
Les stars font des économies sur leur cachet de départ, mais se rattrapent plus tard si le succès est au rendez-vous avec des intéressements généreux : Vanessa Paradis a eu une rémunération salariale brute de 150 000 euros pour L'Arnacoeur, mais au final, avec le succès du film, elle a empoché au minimum 700 000 euros. Son partenaire dans le film, Romain Duris a gagné plus car il est intéressé au résultat de l'exploitation du film à hauteur de 50% des recettes nettes part producteur : du coup, il peut espérer 2,2 millions d'euros. Isabelle Adjani a accepté 80 000 euros pour La Journée de la jupe et a parié sur un succès, confirmé depuis - des récompenses à la pelle et un cinquiéme Cesar ! - et qui lui permet d'avoir 150 000 euros au final. "Les agents et comédiens ont compris qu'il fallait faire des efforts pour ne pas raréfier le nombre de films et maintenir un vivier d'une centaine d'oeuvres par an."
Le juste prix des acteurs à la télévision
Plus question de faire monter les enchères pour avoir un acteur en 2009 à la télévision non plus ! La Une aurait refusé au moins quatre comédiens parce qu'ils étaient trop chers. Il existe néanmoins des exceptions, liées à des succès d'audience répétés : Mimie Mathy (Joséphine, ange gardien) et Véronique Genest (Julie Lescaut) "peuvent prétendre à plus de 250 000 euros par épisode", ainsi que Victor Lanoux (200 000 euros par épisode de Louis la Brocante), le "recordman des audiences sur France 3".
Les séries à héros multiples sont moins généreuses : La Femme d'honneur Corinne Touzet aurait accepté un salaire inférieur à 100 000 euros sur la nouvelle série Interpol. La jeune mariée Marine Delterme a signé pour un cachet de 70 000 euros quand elle a accepté de reprendre Alice Nevers, le juge est une femme. Quant à Plus belle la vie : les comédiens sont payés entre 500 et 1 000 euros par jour, mais ils travaillent toute l'année.
"La fiction française n'est pas rentable, surtout du point de vue des chaînes privées. Donc, la tendance à la baisse va se confirmer", regrette Christian Charret de la société de production Gétévé.
Retrouvez l'intégralité de ce dossier dans Le Film Français du 11 juin 2010