Vincent Cassel s'est révélé aux yeux de tous en 1995. Dans le choc cinématographique inoubliable qu'était La Haine de Mathieu Kassovitz, la performance marquante du fils du cinéaste Jean-Pierre Cassel avait été récompensée par une nomination pour le César du meilleur espoir masculin et le César du meilleur acteur.
Mais avant cette reconnaissance, qui lancera sa carrière au cinéma et fera de lui une star internationale, son petit frère (plus jeune de trois ans) était plus célèbre que lui ! En effet, sous l'alias Rockin' Squat, Mathias Cassel avait lui déjà bien avancé dans son parcours et faisait partie des pionniers d'un courant musical aujourd'hui incontournable : le rap.
Car si le rap français est aujourd'hui le genre musical le plus écouté dans l'hexagone, ses débuts dans le Pays des Lumières furent pour le moins poussifs. Il a fallu que des artistes réussissent à imposer cette musique et toute la culture qui l'englobe, bien qu'elle soit parfois catégorisée et incomprise. Mathias Cassel faisait partie de ces précurseurs.
Adolescent, il débute en tant que taggeur et baigne dans le milieu underground. Son enfance aisée, grâce à la carrière de réalisateur de son père, lui permet de grandir aux États-Unis où il peut s'imprégner de la culture naissante qu'est le hip-hop.
De retour en France, il fonde en 1985 un groupe qui va devenir mythique pour l'histoire du rap français : Assassin. D'abord en duo avec Solo, il est rapidement rejoint par DJ Clyde et Doctor L. Et si le rap français est encore balbutiant, Assassin va lui donner un sacré coup d'accélérateur, au même titre que des groupes comme IAM ou Suprême NTM.
Le groupe est le premier à créer son propre label indépendant, une grande première pour l'époque. Les trois premiers albums du collectif, Le Futur que nous réserve-t-il ? (1992), L'Homicide volontaire (1995) et Touche d'espoir (2000) deviennent tous des classiques indiscutables du rap français, en plus de jouir de beaux succès commerciaux puisqu'ils comptent tous plus de 100.000 ventes.
Mais si Rockin' Squat a glané un disque d'or pour chacun des opus, c'est surtout pour la grande influence qu'a eu Assassin en France que la carrière de Mathias Cassel est unanimement reconnu. À titre d'exemple, Booba leur a carrément dédicacé directement un morceau en 2015 sur son album Nero Nemesis - probablement l'effort le plus abouti de la carrière du Duc de Boulogne - intitulé Génération Assassin.
Car si vous pensiez que Vincent Cassel, habitué des coups de gueule, fait dans le politiquement incorrect, il est un enfant de choeur comparé à Mathias. Assassin a toujours fait de son rap anti-système une arme politique et s'en est servi pour dénoncer certaines tendances ou soutenir d'autres causes, mais il y a parfois eu des dérives.
Au cours des années 2000, la carrière du groupe périclite. Le label ferme et Rockin' Squat se lance en solo. Malheureusement, la politique laisse parfois place à des théories du complot fumeuses. Illuminatis, nouvel ordre mondial et antisémitisme remplacent écologie, paix dans le monde et droit des femmes.
S'il continue toujours la musique, avec des références plus ou moins bien senties, Rockin' Squat n'est plus le rappeur avant-gardiste qu'il a été. Le temps est passé par là et l'artiste n'a pas su s'adapter aux évolutions de son courant musical. Mais son palmarès historique est toujours intact et son importance dans l'histoire du rap français restera éternelle. Si Vincent a pris la lumière, Mathias préfère lui rester dans l'ombre. Et c'est sûrement mieux comme ça.