Biographie
- Naissance : 9 décembre 1916, Amsterdam
- Décès : le 5 février 2020 (103 ans)
- Signe astrologique : Sagittaire
- Résidence : Etats-Unis
Décédé à 103 ans, une autre preuve de son caractère légendaire, Kirk Douglas, dernier (ou presque) survivant de l'âge d'or du cinéma hollywoodien, a laissé une empreinte indélébile. Il est le père de Michael Douglas, issu - comme son frère Joel - de son premier mariage (1943-1951) avec Diana Dill et a été marié de 1954 à sa mort, le 5 février 2020, à Anne, mère de ses deux autres garçons (Peter et Eric, décédé en 2004).
Issur Danielovitch - son vrai nom - naît à New York le 9 décembre 1916. Ses parents sont des immigrants juifs de Biélorussie, qui est alors dans l'empire russe. A la maison, on parle yiddish et le jeune Issur adopte d'abord le nom de Demsky, que sa famille a choisi pour faciliter son intégration, avant d'opter pour Kirk Douglas quand il va s'engager dans l'US Navy, durant la Seconde Guerre mondiale. Son père, qui était marchand de chevaux en Russie, se retrouve à faire le chiffonnier à New York, la famille vit chichement et le jeune garçon décide de devenir acteur après avoir été applaudi, en maternelle, un jour qu'il y récitait un poème.
Il n'hésite pas à cumuler les petits jobs pour aider sa famille, qui compte six soeurs. Vendeur de sandwichs, livreur de journaux, il aura près de quarante emplois successifs avant de devenir acteur. Il joue dans une pièce au lycée, qui lui confirme sa vocation, mais quand il en termine, en 1934, avec le lycée, il n'est pas en mesure de s'offrir des cours d'art dramatique. Il convainc une université de lui accorder une bourse, qu'il rembourse en travaillant à mi-temps comme gardien d'immeuble et jardinier ; il est aussi membre de l'équipe de lutte, un sport où il excelle assez pour passer un été à faire le lutteur de foire, toujours pour des raisons économiques.
A l'American Academy of Dramatic Arts de New York, où ses talents lui ont valu une bourse, il est camarade avec Betty Joan Perske, la future Lauren Bacall, avec qui il a une brève aventure. Une autre amie des deux futures stars est Diana Dill, elle-même aspirante actrice, qui deviendra la première Madame Douglas.
En 1941, peu après l'entrée en guerre des Etats-Unis, il rejoint donc la Marine américaine, où il est officier de communication sur le navire USS PC-1139. Il est réformé en 1944 pour blessure et rentre à New York, où il trouve un peu de travail à la radio (il y interprète des feuilletons), au théâtre et dans la publicité. Il fait ses débuts au théâtre dans la pièce Kiss and Tell en reprenant le rôle créé par Richard Widmark, qui lui amène ensuite d'autres rôles.
Il se voit ainsi en acteur de théâtre professionnel, jusqu'à ce que son amie Lauren Bacall le recommande auprès d'un producteur de cinéma à la recherche d'un nouveau talent masculin. Il fait donc ses débuts sur l'écran en 1946 dans L'Emprise du crime, avec Barbara Stanwyck, un film noir où il joue, pour la première et dernière fois, un personnage faible, dominé par sa femme, et alcoolique. Sa prestation est remarquée et l'intronise acteur de cinéma. En 1947, il joue dans La Griffe du passé avec Robert Mitchum et Jane Greer, son nom est déjà en gros sur l'affiche, juste après celui de ces deux stars de l'époque. Il fait ses débuts à Broadway en 1949 dans Trois soeurs et la même année il établit son image de "dur" dans Le Champion, avec un rôle de boxeur. Cette fois il est en tête d'affiche, et le film est nommé six fois aux Oscars, dont une nomination de meilleur acteur, sa première. Le Champion est le véritable point de départ de sa carrière, il lui permet de s'affirmer, de prendre de l'assurance, de vouloir devenir une star et plus seulement un acteur modeste. Pour aller dans le sens de cette nouvelle attitude, il rompt son contrat avec un studio pour former sa propre compagnie de production, nommée Bryna Productions, du nom de sa mère.
Kirk Douglas va être une des stars majeures du cinéma hollywoodien des années 50 et 60. Il joue dans son premier western, Une Corde pour te pendre (1951), et se trouve un talent certain pour monter à cheval et manier un colt. Il jouera dans un bon nombre de films de ce genre, dont son film favori, Seuls sont les indomptés (1962) de Dalton Trumbo avec Gena Rowlands. Un jazzman dans La Femme aux chimères (1950) avec Lauren Bacall et Doris Day, un journaliste dans Le Gouffre aux chimères (1951) de Billy Wilder (un des films préférés de Woody Allen), un enquêteur dans Histoire de détective (1951), nommé quatre fois aux Oscars, un producteur de cinéma dans Les Ensorcelés (1952), qui récolte cinq Oscars (lui n'a qu'une nomination), un héros antique dans Ulysse (1954), Kirk Douglas est incontournable dans cette décennie glorieuse.
Dans cette période faste en rôles marquants, on peut également citer 20 000 Lieues sous les mers (1954), deux Oscars et un gros succès au box-office, L'Homme qui n'a pas d'étoile (1955), un western qui lui rapporte un million de dollars. Il commence à avoir amassé assez d'argent pour réellement produire des films avec Bryna Productions et commence par La Rivière de nos amours (1955), un western avec l'italienne Elsa Martinelli et bien sûr Kirk Douglas. A travers Bryna, il va produire (et jouer) Les Sentiers de la gloire (1957), Les Vikings (1958), Spartacus (1960), Sept jours en mai (1964). Le premier, dirigé par Stanley Kubrick, est l'un des premiers grands films antimilitaristes, il y joue un officier français (une langue qu'il a appris à parler couramment) de la Première Guerre mondiale confronté à une trahison et l'injustice. Le film restera interdit en France jusqu'en 1976 ! Il va souvent jouer les militaires, dans Affaire ultra-secrète (1957), Ville sans pitié (1961), Sept jours en mai (1964), Les Héros de Telemark (1965), Première Victoire (1965), L'Ombre d'un géant (1966), Paris brûle-t-il ? (1966), Nimitz, retour vers l'enfer (1980) ou Saturn 3 (1980). Mais il joue aussi les artistes maudits, son interprétation de Van Gogh dans La Vie passionnée de Vincent Van Gogh (1956) de Vincente Minnelli fait date et lui rapporte le Golden Globe et une nomination à l'Oscar, qu'il aurait dû se voir également décerner, tant il a habité son rôle.
L'un des rôles les plus marquants de sa carrière est sans conteste celui du gladiateur thrace Spartacus, dans le film du même nom qu'il produit pour un coût pharaonique, l'un des records de budget de l'époque. Commencé par Anthony Mann, le film est terminé par Stanley Kubrick, avec le renfort au scénario de Dalton Trumbo, alors blacklisté par la commission des activités anti-américaines (qui traque tout soupçon, avéré ou non, de sympathie pour le communisme à Hollywood). Kirk Douglas fait un geste fort en décidant d'inscrire le nom du banni au générique.
Il achète ensuite les droits du roman Vol au-dessus d'un nid de coucous à son auteur, Ken Kesey, pour en faire une pièce de théâtre qu'il joue avec succès à Broadway en 1963. Ne trouvant pas le moyen d'en faire un film, il en offre ensuite les droits à son fils Michael Douglas, en 1975, qui produira le film avec Jack Nicholson dans un de ses rôles emblématiques (cinq Oscars dont celui de meilleur acteur pour Jack).
Les grands acteurs ont souvent besoin de partenaires à la hauteur pour tirer d'eux-mêmes le meilleur de leur art. Kirk Douglas a ainsi formé une paire gagnante avec Burt Lancaster à sept reprises, dans L'Homme aux abois (1948), Règlements de comptes à OK Corral (1957), Au fil de l'épée (1959), Le Dernier de la liste (1963), Sept jours en mai (1964), Victoire à Entebbe (1976) et Coup double (1986). Les carrières respectives de ces deux géants offraient des similarités troublantes : arrivés en même temps à Hollywood, ils jouèrent ensemble pour la première fois dans ce qui était leur quatrième film à chacun et devinrent tous les deux acteurs-producteurs afin de garder une indépendance vis-à-vis des studios tout-puissants.
Certains films ont des impacts différents selon l'époque. L'Arrangement (1969) d'Elia Kazan, avec Faye Dunaway, est un échec critique et commercial, alors qu'il est devenu depuis un classique. La comédienne écrira plus tard dans ses mémoires combien elle avait rencontré sur ce film, en la personne de Douglas, un acteur gigantesque et un homme à la hauteur de son talent, qui l'aida à trouver un sens à donner son jeu d'actrice.
Après ces décennies où il règne sur le cinéma américain, Kirk Douglas va continuer de jouer dans des dizaines de films jusqu'à son dernier, en 2008. Il partage l'affiche du Reptile (1970) avec Henry Fonda sous la direction de Joseph L. Mankiewicz, puis il endosse le rôle de réalisateur pour Le Trésor de Box Canyon (1973) suivi de La Brigade du Texas (1975), dans lequel il joue avec Bruce Dern (le père de Laura Dern). Parmi ses films notoires de cette période, on peut citer Furie (1978) de Brian de Palma, avec John Cassavetes et Amy Irving, Nimitz, retour vers l'enfer (1980), L'Homme de la rivière d'argent (1982), qui lui vaut de multiples récompenses, Greedy (1994) avec Michael J. Fox.
En 1996, il est victime d'une attaque cardiaque qui le laisse diminué, incapable de parler. Mais le Champion n'est pas homme à se laisser vaincre par ce genre de détail : il suit une thérapie vocale pour revenir à l'écran, dans Diamonds (1999) avec Dan Akroyd et une vieille amie, Lauren Bacall. Un film dans lequel il joue un homme victime d'un AVC qui tente de surmonter une paralysie faciale.
En 2003, il joue et produit avec Michael Une si belle famille, dans lequel il joue avec son fils, son ex-femme, et son petit-fils. Son dernier film au cinéma est Illusion (2004), une sorte de mise en abyme, puisqu'il y joue un réalisateur vieillissant obligé de regarder des épisodes de sa vie qu'il avait occultés. Son ultime rôle est un téléfilm, Meurtres à l'Empire State Building (2008), qui offre en même temps son dernier rôle à Cyd Charisse (Chantons sous la pluie, Tous en scène) et réunit d'anciennes gloires du Hollywood mythique - Mickey Rooney, Ben Gazzara, Marsha Hunt, et, par le biais d'extraits, Lauren Bacall, James Cagney, Edward G Robinson ou Simone Simon.
Kirk Douglas avait épousé Diana Dill en novembre 1943, avec qui il a eu Michael, acteur et producteur, et Joel, également producteur. Le couple divorce en 1951.
A Paris, il rencontre Anne Buydens, née Hannelore Marx en 1919 à Hanovre, en Allemagne, qu'elle a fuie durant la période nazie. Il se marient en mai 1954 et ont deux fils, Peter, producteur, et Eric, décédé d'une overdose d'alcool et de médicaments en 2004. S'il a admis avoir eu quelques infidélités au fil du temps avec des starlettes, il est resté marié jusqu'au bout avec Anne, formant avec elle un couple de centenaires en 2019. Ils ont publié en 2017 le livre Kirk and Anne : Letters of Love, Laughters and a Lifetime in Hollywood, qui venait après la dizaine de livres autobiographiques qu'il a publiés à la fin de sa carrière et qui sont réputés pour l'acuité de leur vision du métier d'acteur et du monde du cinéma.
Revenu vers le judaïsme à la fin de sa vie, sa femme s'étant elle-même convertie en 2004, plus vieux blogueur du monde (après un compte MySpace, il tenait depuis 2012 un blog sur le Huffington Post), homme engagé qui à ses frais voyagea dans quarante pays, avec sa femme, en tant qu'ambassadeur de la diplomatie civile américaine, Kirk Douglas a vécu 103 ans.
Lors des Golden Globes 2018, il est apparu, pour l'une des dernières fois, avec sa belle-fille Catherine Zeta-Jones, dans une cérémonie qui l'a souvent accueilli comme nommé, et une fois récipiendaire du trophée convoité. Il n'a jamais eu d'Oscar, sinon un d'honneur en 1996, malgré ses nombreuses nominations. Mais avec près de cent films, dont de multiples chefs-d'oeuvres intemporels du 7e art, Kirk Douglas est resté l'un des ultimes survivants de l'âge d'or du cinéma hollywoodien.
Kirk Douglas s'est éteint dans la nuit du 5 février 2020 à l'âge de 103 ans, chez lui, à Beverly Hills. Il a été inhumé deux jours plus tard dans la plus stricte intimité au cimetière du Westwood Village Memorial Park à Los Angeles.