

Avec Mommy, cinquième film de Xavier Dolan, on ne mesure plus saisir l'engouement autour du jeune cinéaste québécois. En interrogeant ses deux muses, Anne Dorval et Suzanne Clément, ainsi qu'Antoine-Olivier Pilon, le héros de Mommy, on comprend mieux pourquoi ce jeune réalisateur est incontournable, génial et brillant. "C'est quelqu'un qui apprend très vite, un assoiffé de savoir, nous dit sans hésitation Anne Dorval. Il a beaucoup d'assurance. À ses débuts, il n'osait pas trop, il avait peur de passer pour un imposteur même s'il savait où il s'en allait avec J'ai tué ma mère."
Xavier Dolan, l'homme qui espère inlassablement
Prix du jury à Cannes, Mommy a dès lors entamé son ascension irrésistible, laquelle pourrait se terminer au soir des Oscars avec la statuette du meilleur film étranger. Évoquant un accueil incroyable, des étoiles encore plein les yeux, Anne Dorval raconte : "Les gens nous abordaient dans la rue... C'est difficile d'en sortir, parce que Cannes, ce n'est pas la vie, c'est une illusion." Face à la pluie d'avis positifs autour du film, le discours de Xavier Dolan déclenche autant d'amour pour la beauté du contenu que de critiques pour la longueur et l'impression qu'il aurait écrit le film pour la Palme d'or. "Déçus non, mais c'est comme quelqu'un qui s'entraîne pour les JO, il vise la médaille d'or, pas de bronze, argue Anne Dorval. Il était très heureux de recevoir, très touché. Ce serait de la prétention de dire qu'il s'attendait à une Palme. Il ne s'attendait à rien, il espérait. Il ne fait qu'espérer, faire des films, être là où il est." Suzanne Clément embraye : "Lui, il ose, il met des mots dessus. Il a vécu des déceptions dans sa vie, mais il rebondit vite." Et celle-ci n'en était pas une, loin de là. "Le plus grand prix, c'est l'amour du public qu'il reçoit depuis", conclut Anne Dorval.

Également interrogé sur la question, Xavier Dolan assume tout. "J'avais envie de parler à Jane Campion. On aurait eu le prix de la meilleure coiffure, je l'aurais tenu, ce discours, tient-il à assurer. On n'a pas de si belles occasions ou une pareille tribune pour dire à quelqu'un qu'on l'aime. Je ne vois pas pourquoi je me serais privé de cela. Donc les gens qui trouvent cela pédant..." Et de terminer par un doigt d'honneur...
Portrait de mère
Dans Mommy, Xavier Dolan nous offre un nouveau portrait de femme, de mère. "Des mères, ce n'est pas un personnage en soi, c'est un statut. Ce sont deux mères complètement différentes et outre les similarités entre J'ai tué ma mère et Mommy, à savoir un fils unique et un père totalement absent, on parle dans Mommy plus d'un trio que d'un duo", confie Anne Dorval. Pour Xavier Dolan, il ne faut surtout pas comparer à sa propre enfance, et notamment des traits de caractère de sa mère qu'il a glissés ici ou là. "Je pense parler de la mère en général, celle que, je crois, j'ai maltraitée dans J'ai tué ma mère, alors que Mommy, c'est complètement différent en termes de ton et de personnages, dit-il. C'est une mère courage et pas superficielle. Par venger, j'entendais une mère qui un rôle beaucoup plus valorisant."

L'incontrôlable Dolan
Lorsqu'on leur demande ce qu'ils pensent de leur ami et metteur en scène, trois concernés s'accordent sur son intelligence. Une "intelligence, émotionnelle comme relationnelle", précise Suzanne Clément. De son côté, Anne Dorval souligne l'ambition et l'homme rêveur : "Sur J'ai tué ma mère, je ne savais même pas si le film allait voir le jour, si on allait trouver un distributeur. Et lui, il me parlait de Cannes pendant le tournage. Il n'avait que 17 ans. Il rêve beaucoup et c'est sa plus grande qualité."
Nouvel acteur chouchou du réalisateur canadien, Antoine-Olivier Pilon est la révélation de Mommy. Par le passé, il a pourtant croisé le chemin de Dolan, avec College Boy (sulfureux clip d'Indochine). "C'était quatre jours de tournage mais on n'était pas aussi proche, souligne le jeune homme. Sur Mommy, c'était plutôt je vais tourner avec mon ami Xavier, et non le réalisateur Xavier." Il rajoute : "C'était très éprouvant, College Boy, physique. Je devais rester accroché à une croix pendant plusieurs heures. Alors que sur Mommy, c'était plus un jeu."

C'est d'ailleurs à lui que revient le mot de la fin, lorsqu'il tente de qualifier ce Xavier Dolan devenu un ami proche. Pour lui, le jeune cinéaste est "incontrôlable, spontané et beaucoup plus intelligence qu'on ne le croit".
Christopher Ramoné
Mommy, en salles dès le 8 octobre.