Nicolas Bedos est en colère, et quand ce sentiment monte en lui, le scénariste, réalisateur et acteur couche son énervement sur papier, ou plutôt sur Instagram. Il a saisi le réseau social pour donner son point de vue sur "les 'affaires' qui ébranlent le milieu de la bande-dessinée". Un coup de gueule qui succède à un autre, celui sur la non-nomination aux César de son dernier film, Mascarade.
Faisant honneur à son père qui a toujours défendu la liberté d'expression, Nicolas Bedos s'est indigné du scandale qui a ébranlé le Festival de la bande-dessinée d'Angoulême il y a quelques semaines. Ne citant pas volontairement l'artiste à l'origine de l'affaire dont il ne veut pas juger du travail ni de la personne, il condamne l'appel incessant au boycott des artistes et l'interdiction des oeuvres en général. Quelle est la position du metteur en scène ? Il estime que celles et ceux qui sont adeptes de la censure auront "honte" dans quelques années, comme on a eu honte après avoir lynché Nabokov et sa Lolita, Gustave Flaubert et sa Madame Bovary ou encore Albert Camus, qui avait été accusé de racisme colonialiste. "Dans dix ans, vous aurez honte, ça s'est toujours passé comme ça. (...) En dehors des lois encadrant ce qui n'est plus de l'art mais de l'appel à la haine, l'Art est-il un sanctuaire ? Un espace de liberté absolue ?", écrit Nicolas Bedos.
Quelle affaire a secoué récemment le festival d'Angoulême ? Il s'agit de celles de Bastien Vivès, auteur de livres contestés, qui mêlent mineurs et pornographie. Une prise de position qui s'inscrit avec celle des signataires de la tribune publiée dans Le Monde ce 1er février et dans laquelle on retrouve les noms de Blanche Gardin, Oxmo Puccino, les auteurs Enki Bilal et Coco, Maureen Dor ou l'ex-ministre Françoise Nyssen. "Interroger ou contester le travail d'un auteur est légitime, le bâillonner ne l'est pas", lit-on dans cette tribune. Comme Nicolas Bedos, les artistes qui valident cette lettre ouverte précisent qu'il ne s'agit pas de défendre l'homme, mais de préserver la liberté tout en ayant le droit de s'interroger et de débattre.
Au mois de décembre, des autrices et des associations avaient mis en lumière le fait que le prestigieux festival d'Angoulême allait consacrer une exposition à Bastien Vivès, accusé de faire la promotion de la pédopornographie dans certains de ses ouvrages. L'ampleur du scandale a forcé les organisateurs à annuler cette exposition. Sous la publication de Nicolas Bedos, une de ses abonnées s'adresse au cinéaste : "vous admettez que l'appel à la haine autorise une limite à la liberté d'expression des artistes, ne devriez vous pas avoir honte de ne pas comprendre que la glamourisation de la pedocriminalité pose le même problème ?"
"Bastien Vivès, en tant qu'homme, a eu quand même des propos inacceptables", a souligné Rima Abdul Malak, ministre de la Culture devant l'AFP à Angoulême. "Il a pris à la légère des sujets extrêmement graves. Il a eu des propos insultants sur les réseaux sociaux qui sont en eux-mêmes très condamnables". "C'est normal, quelque part, que ces propos qu'il a tenus aient provoqué ce tollé, même des années plus tard quand ils ont été ressortis. Parce qu'ils sont inacceptables, il l'a reconnu lui-même", a insisté la ministre.
Toutefois, elle a redit qu'elle aurait préféré voir l'exposition s'ouvrir comme prévu. "La difficulté c'est que ça s'est mélangé avec une exposition que personne n'avait vue (...) On ne saura jamais ce qu'il y avait dedans. Moi je trouve ça regrettable que les sujets se soient mélangés", a-t-elle expliqué. "Les choses ont eu lieu à un rythme tellement rapide que ce débat, finalement, n'a pas pu se tenir. Mais il continue dans la société", s'est-elle félicitée.